Poésie
JE HURLE À LA LUTTE
Par Gérald Bloncourt
Port-au-Prince,décembre 1986
Jehurle à la lutte ô mon pays ma terre-natale Saline-cicatricebidonvilles-crucifiés de l’aube aux nuits fétides chiens efflanqués affamésimmondices désaffectées tôt ou tard dans l’obscurité mensongère cogne mamémoire sur les tôles-ondulées aux vibrations d’orage bave ma rage de gangrèneinfectée odeurs puantes de caniveaux de mort prématurée d’enfants vides auxregards-remords lancinantes accusations d’un monde qui s’accouple avecl’Absurde villes-fantômes aux frontières de l’oubli mornes décharnés fièvrescirculantes des tap-tap engrossés de détresses humaines d’ici de là-bas etd’ailleurs de Delmas défoncé sans autre cause que la folie meurtrière de conshallucinés Carrefour Bizoton crevant sous la griffure empoisonnée d’une faimcoriace permanente misère-vampire terreur des ruelles sans eau au goût de boued’incertitudes gourdes aux lois du dollars piastres noires de crasse mainstendues et mendiantes au ventre plein d’un enfant à naître gousse d’ail desyeux implorant une aumône crevant l’incroyable l’insoutenable douleur de monêtre angoissé toute ma rage ma colère se gorge de sève d’injustice vérole pourabattre la dysenterie des consciences ô mon pays d’azur palmes mornes écorceset racines mon doux pays d’amour mer bleue de tambour et d’espace pourquoil’univers carcérales brûle-t-il tes vertus cancer d’injustice concert dedétresse comment ne pas rugir et se battre ô mon peuple affamé pilé comme maïspillé spolié écrasé torturé je donne mon baiser aux luttes populaires au PartiSoleil de Roumain d’Alexis de tous ceux aujourd’hui debout de tous ceuxaujourd’hui mes frères aube certitude du matin à venir pour enrayer la mort jehurle à la nuit aux luttes décisives rassemblant la meute de tous lescombattants je possède la force des convictions profondes et raisonnables jeconnais les sentiers raccourcis qui mènent du Bassin-Bleu de mes rêves à l’eaude pluie l’eau des puits et des fontaines l’eau pour boire l’eau goutte derosée à l’eau claire de notre délivrance oui je connais les résonances ultimeset sourdes de mon peuple je connais les cachettes de ses espoirs les marellesde son enfance et les lagos agiles aux quatre coins de ses points cardinaux ouije sais les palmiers et les lianes je sais le pois-congo et le diriz-diondionles marigots et les ravines les cirouelles et le choux-palmiste je connais lesrigoles et les lampes à pétrole je connais l’odeur chaude des cassaves lepiment-doux du rire l’akassan du matin je connais d’étranges filles dont lesmots allumés vont porter nos demains oui je sais tous les miens médecinspeintres et chômeurs qui ont bâti au coeur de tous les bayahondes notre espoircommun je hurle à l’émeute de nos âmes je hurle à la découverte du bonheur jehurle à mort l’injustice je hurle pour le pain la liberté les généreuxpossibles je hurle enfin et toujours à la lutte pour récolter l’amour.