Marie-Célie Agnant : une écriture de la mémoire
et du silence
LucieLequin
Université Concordia
Texte publié avec l’aimable autorisation del’auteure.
Marie-Célie Agnant est installée au Québec depuis plus de trente ans. C’estvolontairement que j’ai utilisé le mot installéeafin de souligner son appartenance tant à la société québécoise qu’au monde deslettres québécoises. Cette appartenance n’efface en rien ses sentimentstoujours vifs et profonds envers la culture haïtienne. Comme pour tant d’autresQuébécois, sa citoyenneté culturelle, la plus importante à mon avis, ne s’expliqueque par la superposition de strates multiples en lien, entre autres, auxcultures, aux religions et aux langues. Certains voient dans cettesédimentation presque palpable de la citoyenneté culturelle, que l’on pourraitaussi nommer identité du cœur, une dégradation, un danger de disparition, uneattaque contre la finitude et la spécificité ou encore une véritable crisecollective identitaire. Pensons, entre autres, à Monique La Rue qui, dans L’Arpenteuret le navigateur, fait parler un écrivain anonyme qui se désole de ce quela littérature québécoise change : « Nous nous laissons usurper notrelittérature, nous avons cessé d’assumer son sens, son histoire, sa spécificité,son avenir. » (Larue, 9). Ce personnage fictif n’accepte pas donc pas quedes écrivains venus d’ailleurs transforment, par leur écriture, la littérature québécoise.C’est pour lui une perte de sens, ce que dans un autre contexte Joël Gaubertappelle une crise de la culture, c’est-à-dire, « une atténuation, unealtération et surtout une interruption de l’expression de la communication dusens commun qui structurait jusque-là le vivre-ensemble selon la traditionpartagée. » (Gaubert, 25)
Par ailleurs, à l’opposé de cet écrivain fictif frileux et englué dansses petites habitudes, d’autres ne peuvent saisir la littérature québécoise quepar son mouvement, sa métamorphose, sa porosité, pensons notamment à Pierre L’Hérault(1991) et à Maïr Verthuy (1998) qui étudient l’ouverture, l’hétérogène ou lemétissage dans la littérature québécoise actuelle. En effet, depuis unetrentaine d’années, le paysage littéraire du Québec se reconfigure et s’enrichit,de façon accélérée, d’autres cultures, d’autres accents, d’autres rythmes. Facedonc à cette mutation, les uns résistent, les autres s’y engagent pouravancer : « Lire les migrants, hommes ou femmes, n’est-ce pas refuserde se contenter d’une certaine autosatisfaction, dépasser le stade du miroir ?N’est-ce pas aller à la rencontre de l’Autre, accepter de se voir par ses yeuxet partant d’ouvrir un vrai dialogue ? » (Lequin et Verthuy, 267) Deschercheurs, dans le contexte québécois (voir entre autres Tangences no59), tentent, en effet, de comprendre cette reconfiguration de la littératurequi ne peut être assujettie à une nation, à une ethnie, à un classement ouencore à un statut légal. La littérature ne peut qu’être autonome et enmouvement. André Vanasse, traçant « Le nouveau visage de la littérature »du Québec dans Lettres québécoises du printemps 2002, le souligne avecenthousiasme : « Une littérature éclatée, mais capable d’exprimer leschoses différemment, peu importe d’où sont nées nos créations. » (Vanasse,8) Micheline Lachance, elle, dessine des portraits de cinq femmes (AkiShimazaki, Tecia Werbowski, Elena Botchorichvili, Sonia Kaleva, Abla Farhoud)qui « ont apprivoisé l’exil, pour ensuite naître une deuxième fois »donnant au Québec de « magnifiques pages » partie prenante de salittérature actuelle (Lachance, 66-72). C’est donc dire que l’ouverture au « vivre-ensemble »qui se trame dans le partage au sein d’une tradition en gestation plutôt quefigée semble dominer, voire fasciner. Marie-Célie Agnant participe de ce nouvelimaginaire qui se donne à lire. Au dire de Dominique Blondeau, dans Le Livred’Emma, Agnant met en mots « l’envers du miroir qu’elle tourne versnous » pour dire la souffrance des femmes proches d’elle et de nous.(Blondeau, 88)
Poète, romancière et nouvellière, Marie-Célie Agnant fait, en effet,partie de cette littérature actuelle autonome qui nous fait entendre unenouvelle musique et nous amène plus loin sur le chemin de la diversité. Sonécriture s’inscrit de plain-pied dans ce que Glissant nomme les culturescomposites des Amériques (Glissant, 20). Elle entre dans la « difficilecomplexion d’une identité relation, une identité qui comporte uneouverture à l’autre, sans danger de dilution. » (Glissant, 20) Ellecréolise, pour reprendre un mot de Glissant, la littérature québécoise, elle yintroduit ainsi, certes avec d’autres auteurs, un regard nouveau sur soi et surl’autre.
Agnant explore, dans chacune de ses œuvres, les traces de la mémoire,les mots dans le silence et le silence dans les mots. Dans des modesdifférents, ses voix narratives tentent de faire le pont entre leur généalogiepersonnelle, un certain passé collectif et un présent, souvent dur etsolitaire. Me reportant à l’ensemble de la production d’Agnant, de Balafresà Le Livre d’Emma, j’étudierai l’importance du passage du savoir,surtout culturel et familial, d’une génération à l’autre et son impact dans laformation de l’identité de la dernière génération. Une identité, en mouvementtributaire de son héritage mais aussi se forgeant à même l’inouï, à tout lemoins dans une autonomie certaine.
Dequi est la mémoire ?
Pour examiner le passage du savoir chez Agnant, il faut d’abordcomprendre le leitmotiv de la mémoire. D’une part se demander « de qui estla mémoire ? » et d’autre part, « de quoi y a-t-il à se souvenir ? »,idées que j’emprunte à Paul Ricœur dans La Mémoire, l’histoire et l’oubli (Ricœur,3). Sans doute parce que nous sommes au sein d’une écriture de fiction précise,il importe d’abord, me semble-t-il, de saisir « de qui est la mémoire? » En effet, dans une seule voix narrative, Agnant fait entendreplusieurs voix et passe de la mémoire individuelle à la mémoire collective dansun mouvement de va-et-vient entre les deux, plus ou moins audible et plus oumoins fréquent. À la base de son œuvre, se forme de façon continue un genre depalimpseste verbal où une voix se superpose à une autre voix plus ancienne,mais non seulement y a-t-il superposition, il y a aussi plusieurs voix de façonsimultanée, phénomène que, dans un autre contexte, j’ai nommé « multivoix »(Lequin, 1996, 211) c’est-à-dire, que le jede la narration incorpore d’autres voix, anciennes ou actuelles. Il ne s’agitdonc pas d’un je uniquementpersonnel, intime, autobiographique, mais d’une voix multidirectionnelle l’habilitantà mieux saisir autant le sort du monde que son propre sort.
Le poème « Incandescences » (Balafres, 11) dans Balafresparle avec force des traces autres dans la mémoire de la poète. Le « ballotde souvenirs cassés » de la voix poétique contient plusieurs mémoires,plusieurs voix, entre autre celle « d’un homme affamé »¸ celles de « Mariasédentées », celles venant du « berceau d’enfants nègres » etaussi l’« écho de mouches / d’abeilles », ainsi que le bruit de « l’égoutqui hurle ». Il faut souligner le pluriel de Marias et le singulierde berceau alors qu’enfants est pluriel. Notons aussi qu’aux voixhumaines qui habitent « les couloirs de [l]a mémoire » de la poète s’ajoutentles voix animales et même un bruit d’objet. Le jeu grammatical entre lesingulier et le pluriel comme l’entrecroisement des voix et des bruitsintensifient l’émotion exprimée, une douleur abrupte, au bord du désespoir, etinstalle le poème dans une « symphonie d’angoisses » multiples,privées comme collectives.
Ces pensées ou souvenirs d’autrui dans la mémoire des personnages ou desnarrateurs, cette voix qui parle pour elle-même et pour les autres, cettemultivoix de la mémoire grave l’œuvre de Agnant, la cisèle. Ainsi dans LaDot de Sara, Marianna, la narratrice, porte dans sa voix, la voix de sa grand-mèreAïda ainsi que la voix de femmes ordinaires et anonymes ; comme elle, despetites marchandes ou des ouvrières qui n’ont eu que le dur labeur comme chancedans la vie ! Le je devient alors un nous narrateur : « Guerrières,survivantes, c’était cela notre destin » (Dot, 34). De plus,Marianna revoit et entend Aïda lorsqu’elle discute avec sa propre petite-fille,Sara. Celle-ci, aussi, est en quelque sorte, née bien avant son temps puisqu’elletransporte avec elle la besace du passé familial. En ce sens, la mémoireprécède la naissance de l’être lui laissant une empreinte sur l’âme, un peucomme une tâche de naissance sur la peau. La dernière-née – le féminin découlede l’importance qu’Agnant accorde à la lignée des femmes – porte en elle l’histoirede la famille qu’elle en soit consciente ou non, qu’elle accepte ou non cethéritage, souvent lourd de souffrances.
La multivoix de la mémoire dans Le Silence comme le sang estaccentuée par le genre même, la nouvelle. Quatre nouvelles sont narrées par un jeféminin et une, à la troisième personne, par un narrateur omniscient. La voixnarrative de « La maison face à la mer », la quatrième nouvelle durecueil, oscille entre le je et le nous soulignant avec force lamultiplicité des voix, ainsi que la présence dans la mémoire du je de cequi appartient à sa mère, toutes deux impliquées dans l’acte mnémonique : « Lesouvenirs sont d’affreux geôliers et d’ignobles tyrans. Ils nous tenaillent,nous poursuivent, nous possèdent et règlent notre existence depuis ce jour. »(Le Silence, 46) Dans la nouvelle éponyme, « Le silence comme lesang », le je se promène dans Belle-Île à l’affût d’une explicationpour appréhender le présent de ce lieu qu’on lui cache : « tout ce que jevois n’est que ce qui est montré » (Le Silence, 53). La vérité, sivérité il y a, réside dans le passé proche et lointain. Ses déambulations dansla région symbolisent l’effort qu’elle fait pour recevoir les images du passéque la plupart lui cache. Des lieux visités (Titanyen, le Morne Rouge, entreautres) et quelques rencontres (Soledad, le fou du Morne Rouge, Maria) luipermettent de se souvenir avec eux (personnes et lieux) et ainsi d’avancer danssa quête. En effet, se souvenir, c’est « non seulement recevoir une imagedu passé, c’est aussi la chercher, ‘faire’ quelque chose. » (Ricœur, 67)Cet exercice de la mémoire autre joint à ses propres cauchemars (LeSilence, 74) rapproche la narratrice du passé et d’une certaine véritéquant au sort de Belle-Île, vérité qui n’est certes qu’apparente puisque laréalité n’est qu’une fiction, qu’un théâtre où chacun connaît son rôle. Maispour reprendre une idée de Nicole Brossard, il faut parfois « Revenir à lavie après avoir vérifié la vie dans les livres » (Brossard, 54), iciplutôt dans la fiction-réalité, dans le jeu représenté au quotidien. Le rôle dela mémoire est d’ailleurs exprimé avec éloquence par le prénom de lanarratrice, Mnémosyne(Le Silence, 80), Mnémo signifiant mémoire et syn, « avant ».Lorsque préfixe, syn exprime une communauté d’action, de pensée, de sentiment; quoique utilisé comme suffixe, il semble avoir ce même sens de la communauté,mais aussi l’idée d’avant, un peu comme une mémoire antérieure à celleen train de s’exercer. Ce prénom soutient donc l’idée d’une mémoire collectiveet individuelle stratifiée formant néanmoins un tout. La mémoire serait-elle lavéritable narratrice de cette nouvelle ? En fait, une mémoire de femmes puisquesyn s’écrit au féminin, syne, mémoire de femmes qui, d’ailleurs,marque toute l’œuvre d’Agnant.
Les trois romans jeunesse Alexis d’Haïti, Alexis, filsde Raphaël et Le Noël de Maïté, narrés au présent, ne touchent lamémoire et les souvenirs que par quelques allusions et se confinent plutôt àdes souvenirs précis d’une seule personne. Les jeux mnémoniques sont donc presque absents. Par contre, dans Vingtpetits pas pour Maria, la narratrice observe Maria Dolorès, la bonne desvoisins. Celle-ci, sans le savoir, engendre une autre Maria Dolorès qui naît etcroît sous la plume de la narratrice, une Maria Dolorès composite, faite detant de femmes nées dans les pays de misère. Certes, ici, le jeu mnémonique sedouble de l’imagination, la narratrice puisant dans ses propres souvenirs etdans ses observations pour imaginer la mémoire de Maria Dolorès, une Maria quidevient de plus en plus fictive. Au fond, on ne peut considérer la mémoire,peut-être surtout au cœur de la fiction, sans en appeler du « piège de l’imaginaire. »(Ricœur, 66), la mémoire étant nécessairement une capacité composite.
Le Livre d’Emma raconté par Flore présente aussi une mémoirecomplexe, plurielle et antérieure à celle d’Emma comme à celle de Flore, un peucomme le prénom Mnémosyne le laissait entendre. Si d’une part, Flore raconteson rôle de médiatrice et d’interprète entre le médecin et la patiente Emma,internée à la suite du meurtre de son enfant. D’autre part, c’est aussi lerécit d’un transfert de mémoire entre Emma et Flore. Celle-ci donne donc laparole à Emma qui raconte directement un passé qui lui est propre, mais aussi,souvent, antérieur même à la lignée des femmes de sa famille, c’est-à-direémanant du « temps que l’on croit passé et que l’on nomme temps jadis »(Emma, 25). Il ne s’agit donc pas de souvenirs bruts, documentaires,mais de souvenirs qui ont été interprétés de génération de femmes en générationde femmes, souvenirs néanmoins vrais, et qui seront à nouveau interprétés etperpétués par Flore. De plus, les mots « que l’on croit passé »indiquent bien que le passé, même lointain, agit encore dans le présent. DeMalayika (Emma, 25), l’ancêtre africaine, à Flore, de Mattie à Emma, unehistoire inachevée, jamais tout à fait dite : « Me vient alors l’idée qu’Emmaessaie tout simplement de m’indiquer que par son débit lent, ses hésitations,elle choisit à son tour avec soin dans le va-et-vient de cette histoire qu’ellen’en finit plus de revivre. » (Emma, 132) En fait, le mouvementtemporel est multidirectionnel puisqu’il s’agit de « comprendre le présentpar le passé » et corrélativement « comprendre le passé par leprésent ». Ce sont ces « traces du passé dans le présent »(Ricœur, 214) qu’Emma inscrit dans la mémoire de Flore. D’ailleurs, même lanotion de passé est mise en doute : « Tout ce passé n’a de passé que lenom, Flore. Il s’obstine à demeurer toujours là, nous guettant derrière l’écranobscur de l’oubli. » (Emma, 158)
La déesse qui aurait inventé les mots et le langage.
Lire la suite de la présente étude en consultant le Pdf joint au bas de cette page écran.
Québec-Haïti. Littérature transculturelle etsouffle d’oralité
Une entrevue avec Marie-Célie Agnant
Par Colette Boucher
Université Laval, 2005
Texte reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteure.
Résumé
Cette présentationtrace des liens entre communication interculturelle, transmission culturelleintergénérationnelle, oralité et écriture tout en faisant ressortir la façondont la littérature migrante en général et, de façon particulière, lalittérature de tradition haïtienne, mettent en scène ces notions. Cette mise encontexte éclairera ensuite les propos de l’écrivaine québécoise d’originehaïtienne, Marie-Célie Agnant. Au cours d’une entrevue, à travers desva-et-vient entre sa propre vie et celle des personnages de ses romans etnouvelles, elle nous livre ses réflexions sur l’oralité et le rôle des femmes dansla transmission culturelle intergénérationnelle en Haïti, la difficulté pourles femmes haïtiennes d’accéder à l’écriture et à la parole publique, le relaispar l’écriture dans le processus de transmission vers les membres de ladiaspora et l’écriture comme vecteur de la communication interculturelle.
Abstract
This presentationtraces the links between intercultural communication, intergenerationalcultural transmission, orality and writing while illustrating how migrantliterature in general and the Haitian literary tradition in particular presentsthese notions. This contextualization will then serve to clarify the remarks ofthe Quebec writer of Haitian origin, Marie-Célie Agnant. During an interview,through the back and forth process between her own life and that of thecharacters of her novels and stories, she provides us with her reflections onorality and the role of women in intergenerational cultural transmission inHaiti, the obstacles faced by Haitian women who try to express themselves publiclythrough written and oral discourse, the relay through writing in the process oftransmission toward members of the diaspora, and writing as a vector ofintercultural communication.
Transmissionintergénérationnelle et écriture transculturelle
Les filtresculturels partagés par les membres d’une société orientent la communicationentre les personnes et les groupes. Les perceptions qu’une personne a de saculture ainsi que de son histoire individuelle et collective lui permettent dese représenter elle-même et d’identifier les autres. Transmis de génération engénération, ces repères aident les descendants à prendre leur place dans lemonde qui les entoure, les rendant aptes à fonctionner adéquatement dans leursociété. De plus, un fort sentiment d’identité, bien intégré et accepté, permetune plus grande ouverture et un meilleur accueil des autres. Par ailleurs, dansles Antilles, comme l’illustrent régulièrement les romans d’écrivaines delà-bas, les hommes sont souvent absents de la maison familiale. Cetteabsence de père ou d’époux semble très présente dans l’imaginaire des femmesantillaises, très chargée de sens, de sorte que, suivant l’explication duphilosophe et psychanalyste Pierre Fedida, plutôt que de constituer un vide,elle devient un « trop-plein » (Fedida 1978 : 50). De plus, dansces sociétés, en raison du rôle dévolu aux femmes et de leur place bienassignée au sein de la famille, c’est sur elles que repose la transmissionintergénérationnelle, au jour le jour, et oralement. Dans cette fonction, lesfemmes s’appuient les unes sur les autres.
Parmi plusieursexemples de livres mettant en scène cette réalité figure celui de la romancièreguadeloupéenne Michèle Lacrosil, Sapotille et le serin d’argile (Lacrosiln.d.), dans lequel la protagoniste, Sapotille, est entièrement à lacharge de sa mère et de sa grand-mère. C’est cette dernière qui exerce le rôlede transmission des savoirs auprès de la jeune fille. « Schéma classiqueaux Antilles, nous ne savons rien du père. […] La grand-mère se trouve doncdépositaire de la connaissance du passé et communique son savoir àl’enfant » (Condé 1993 : 10-11). La mère, pour sa part, veutinculquer une éducation à l’européenne à sa fille et tente d’effacer la mémoirede ses origines. « En fait, l’éducation de Sapotille a pour but de muselerle ‘‘fonds nègre’’ détestable et méprisable, toujours prêt à ressurgir dans unéclat de rire trop bruyant, un geste obscène, une parole triviale et àressusciter l’Ancêtre esclave » (Condé 1993 : 12). Romans antillaiset plus précisément haïtiens, les oeuvres de Marie-Célie Agnant présentent desportraits de femmes, grands-mères ou femmes âgées, qui transmettent laconnaissance du passé aux plus jeunes, parfois malgré la résistance des mères.Ces femmes sont fortes. L’écrivaine les nomme des guerrières. Unevieille chanson antillaise dit : « fem-ne tombe pa jamindesespere », c’est-à-dire « une femme tombée se relèveratoujours ». Les romans d’Agnant font partie de la littérature du Québec oùils sont écrits et publiés. En même temps, par leur style et par les thèmesqu’ils abordent, ils se situent bien dans la lignée de l’écriture haïtienne.Ils traitent, notamment, de la question de la couleur. Dans Le livre d’Emma,le destin tragique du personnage principal, sa solitude et son manqued’amour découlent de la malédiction dont sont victimes les femmes à la peaubleue, prenant la forme, dans son cas, du contraste entre la couleur de sapeau et celle de sa mère Fifie. Cette dernière étant plutôt couleur de mielbrûlé n’arrive pas à se laisser aller à aimer sa fille, la sachant vouée àune vie de malheurs. Le thème de la couleur est récurrent dans la littératurehaïtienne. Il est présent, entre autres, dans le roman Amour de latrilogie Amour, Colère et Folie de Marie Chauvet, comme en témoignent cesparoles de la fille aînée de la famille Clarmont dont on raconte l’histoire.
[…] je commençaidès mon jeune âge à souffrir à cause de la couleur foncée de ma peau, cettecouleur acajou d’une lointaine aïeule et qui détonnait dans le cercle étroitdes Blancs et des mûlatres-blancs que mes parents fréquentaient.
Chauvet1968 : 10
Les romans deMarie-Célie Agnant s’inscrivent dans la tradition haïtienne aussi parce qu’ilstranscrivent des récits oraux. L’oralité fait partie du roman haïtien. Pourintégrer le discours oral à l’oeuvre écrite, les auteurs font appel àdifférents procédés, comme l’introduction du dialogue ou l’utilisation d’unnarrateur qui présente au lecteur les récits que lui ont transmis verbalement,au préalable, d’autres narrateurs. Maximilien Laroche nomme supernarrateursces premiers passeurs du récit (Laroche 1997 : 234 ; 1991 : 51).Ainsi le narrateur s’approprie les histoires, il les annonce, ouvre lesguillemets et se permet alors de transcrire un discours oral. La fonction dunarrateur est de traduire de l’oral à l’écrit et aussi de commenter oud’interpréter le récit (Laroche 1991 : 49). Sa qualité de témoin l’yautorise. Dans La dot de Sara, Marianna, la grand-mère haïtienne, occupecette position de narratrice en offrant à sa petite fille Sara l’histoire deses ancêtres et les récits de femmes de « là-bas au tempslongtemps ». Dans Le livre d’Emma, ce rôle est occupé par Flore,une interprète qui travaille auprès d’Emma pour traduire son discours du créoleau français.
Les femmes engénéral et, de façon particulière, les femmes haïtiennes des livres deMarie-Célie Agnant, sont souvent murées dans le silence. À travers ses romans,comme dans sa vie, l’auteure dénonce le silence qu’on leur impose et le difficileaccès, pour elles, à la parole publique et à l’écriture. En Haïti, peut-êtreplus qu’ailleurs dans les Antilles, l’écriture demeure l’apanage des hommes,pendant que les femmes font leur travail de transmission, oralement, à l’ombredes murs de la maison familiale. À ce sujet, citons Maryse Condé.
Pourquoi si peud’écrivains femmes en Haïti alors que la Guadeloupe et la Martinique encomptent tant, relativement parlant ? Misogynie plus poussée de la sociétéhaïtienne qui, rappelons-le, n’accorda le droit de vote à ses femmes qu’en1957 ? Conséquence d’une évolution historique particulièrement douloureusequi affecte les femmes au plus profond et les mutile plus gravement que leshommes ? Poids des images traditionnelles qui confinent la femme dans desrôles définis ? Bref, ce serait peut-être aux Haïtiennes de tenter de nousl’expliquer.
Condé 1993 :83
De plus en plus dejeunes femmes haïtiennes, aujourd’hui, tentent d’intégrer l’univers del’écriture afin de « participer à la production d’un imaginaire dont on nesera pas exclu […] » (Ndiaye 1998 : 45). Marie-Célie Agnantappartient à une génération de l’entre-deux. Elle fait partie de celles qui ontchoisi d’émigrer et qui ont vécu entre le refus d’intégration des aînés etl’appartenance d’emblée à la nouvelle société des plus jeunes. Elle a dû sebattre pour se placer sur l’échiquier de la littérature et acquérir durementune reconnaissance, préparant ainsi le chemin pour les femmes des générationssuivantes. En écrivant, elle réorganise sa propre histoire et celle d’autresfemmes d’Haïti. La narration et l’écriture lui permettent de redonner unecohérence au monde pour elle-même et pour les autres. La narration, selon BorisCyrulnik, possède ce pouvoir puisque « […] le choix des mots, l’agencementdes souvenirs, la recherche esthétique entraînent la maîtrise des émotions etle remaniement de l’image qu’on se fait de ce qui nous est arrivé »(Cyrulnik 2003 : 61).
Un autre thème,celui de la langue, est souvent présent dans les romans de Marie-Célie Agnant.Ses personnages cherchent le point d’équilibre qui leur permettra de s’intégrerà leur nouveau monde tout en ne se perdant pas intimement. La langue, dans sonoeuvre, représente le conflit intérieur de l’immigrant, son sentiment de rejetet ses efforts d’intégration. Ceci est d’ailleurs observable dans lalittérature produite par des auteurs qui ont connu la migration, ainsi que lesouligne la chercheure Lucie Lequin. « La question de la langue, ainsipresque toujours associée aux difficultés d’intégration et d’acceptation,traverse l’écriture migrante » (Lequin 2001 : 157). Le terme« écriture migrante » sera compris comme l’écriture créée par unauteur qui vit, écrit et publie dans un autre pays que sa terre natale,écriture teintée par les cadres de référence culturels des deux endroits à lafois. Ici, nous utiliserons plutôt le terme « écrituretransculturelle ». Notre intention ce faisant est d’insister sur le rôleactif que nous attribuons à cette forme d’écriture dans le processusd’acculturation qui, lui, fait appel à l’adaptation mutuelle de la personneimmigrante et des membres de la société d’accueil. L’expression transculturelleindique qu’il y a passage culturel dans les deux sens et reflète une ouverturede part et d’autre. L’écriture transculturelle présente le cheminement de lapersonne qui l’écrit, illustrant du même coup la démarche de reconstructionidentitaire et d’intégration des personnes auxquelles l’auteur s’identifie. Enmême temps, les livres produits par ces écrivains peuvent contribuer àl’évolution culturelle de la société d’accueil. Parlant des femmes quiécrivent, Carmen Mata Barreiro exprime très habilement ce rôle transculturel del’écriture migrante.
La littératuremigrante apporte de nouveaux éléments pour analyser l’acculturation, laconstruction des identités. On y voit, de l’intérieur, le développement desprocessus, on assiste à la transformation de l’écrivain migrant ou du migrantécrivain. Des relectures d’une mémoire, d’une culture maternelle, des lecturesde la culture de la société d’accueil sont poussées et sont nourriesgénéralement par une attitude d’engagement de l’écrivain migrant par rapport àun groupe ethnoculturel, de l’écrivaine migrante par rapport aux femmesmigrantes.
Mata Barreiro 2003 : 246
Enfin s’il estvrai que la tradition littéraire haïtienne, de même que l’écriture migrante,teintent l’oeuvre de Marie-Célie Agnant, il est tout aussi pertinent de situercette écrivaine dans la lignée des Québécoises comme Gabrielle Roy etMarie-Claire Blais, à qui elle se joint pour mettre en scène la parole desfemmes du Québec qui nous ont précédées.
L’écrivaineMarie-Célie Agnant
Marie-Célie Agnantest une écrivaine québécoise originaire de Port-au-Prince en Haïti. Elle a déjàpublié deux romans au Québec, des recueils de poésie et de nouvelles, ainsi quedes livres jeunesse. Ses romans La dot de Sara et Le livre d’Emmaont reçu une importante couverture médiatique lors de leur parution. Ils sonttraduits et distribués, notamment, aux États-Unis et en Europe. Affirmant sonféminisme, l’écrivaine parle, à travers ses livres, d’esclavage, de dominationd’êtres humains par d’autres et de la situation des femmes haïtiennes, qu’ellessoient demeurées au pays ou qu’elles appartiennent à la diaspora. Elle est mèrede trois enfants et vit à Montréal où elle participe à l’action d’organismes desolidarité internationale et de droits humains. Parallèlement à sa carrièred’écrivaine, elle travaille comme traductrice et interprète auprès decommunautés haïtiennes et latino-américaines au Québec. Au cours de l’entrevue,il est question des romans La dot de Sara et Le livre d’Emma, durecueil de nouvelles Le silence comme le sang et de ses oeuvres delittérature jeunesse. De l’aveu même de l’auteure, Le silence commele sang est un ouvrage essentiellement autobiographique. Elle puise aussidans son expérience et son environnement des éléments qui viennent teinterl’ensemble de son oeuvre littéraire.
La dot de Sara et Le livre d’Emma
Le roman La dotde Sara a été écrit à partir de récits de vie de femmes québécoisesd’origine haïtienne. Ces récits de grand-mères haïtiennes avaient d’abord étérecueillis au cours d’un projet de recherche sociologique sur la situation despersonnes âgées à Montréal. Ils ont ensuite été repris par l’écrivaine et sontvenus se mêler à sa mémoire et à son expérience, ainsi qu’à ses connaissancesintellectuelles, pour construire ce roman d’écriture transculturelle. L’oeuvreprésente l’histoire de trois Québécoises d’origine haïtienne : Marianna,sa fille Giselle et sa petite fille Sara. Le roman est fait de l’enchevêtrementde deux récits principaux. Un premier raconte la migration de Marianna, sasolitude et ses efforts d’intégration dans un pays où elle ne se retrouve pas.L’autre récit est celui de là-bas au temps longtemps qui se déroule enHaïti avant la naissance de Sara et qui présente des femmes fortes, des guerrièresqui survivent dans des conditions difficiles grâce à leur débrouillardiseet à la solidarité qui les lie entre elles. Marianna livre à sa petite filleSara le portrait de cette communauté et lui offre aussi le récit d’une part duroman familial. Dans ce roman, Giselle occupe une position intermédiaire entreMarianna, celle qui résiste à l’intégration, et Sara, la nouvelle génération,née dans l’immigration maternelle ou, comme l’exprime le psychanalyste JacquesHassoun, « dans l’espace fabuleux de l’exil parental » (Hassoun2002 : 38). Madeleine Frédéric nomme « génération-charnière desmères » ce groupe de femmes migrantes dont elle souligne le rôle crucialet ingrat dans « l’émancipation féminine des migrantes » (Frédéric2002 : 358).
Sur fondd’histoire d’Haïti, depuis le temps des premiers esclaves jusqu’à présent, Lelivre d’Emma relate, dans un récit mythique, l’histoire de la lignée des femmesà la peau bleue dont est issue Emma. Seule survivante de quintuplées,celle-ci doit vivre et crier au nom de ses soeurs mortes. Recueillie àl’adolescence par Mattie, une femme vivant dans un village traditionnelhaïtien, elle apprendra de celle-ci l’histoire des femmes de sa lignée depuisle départ de la Guinée de Kilima, sa première ancêtre haïtienne. Le livre metaussi en scène le récit migratoire d’Emma qui vit maintenant à Montréal. Ildépeint enfin la relation entre Emma et Flore, une femme québécoise originaired’Haïti qui travaille comme interprète. Emma retransmet à Flore ce long récitdes origines afin qu’il lui survive pour les générations à venir. Comme le faitremarquer Christiane Ndiaye, « […] ce récit est issu d’une transmissionorale et ne sera fixé dans un texte écrit qu’après plusieurs générations. Récitdes origines, il servira à guider les générations futures […] »(Ndiaye 1998 : 59). Flore doit d’abord réapprendre le langage oral desfemmes qu’Emma tient de celle qui l’a élevée, Mattie et qu’elle a appris,lentement, intimement, lors de rituels simples et quotidiens. « Comme elletresse les cheveux de l’enfant, Mattie tresse son récit, dans une ambiance decommunion où l’art verbal naît de l’intimité des corps […] » (61). Lelivre d’Emma est un roman fort qui dénonce le silence qu’on impose à desgroupes de personnes et la solitude qui en découle, tout en parlant deténacité, de solidarité et de transmission de savoirs entre les femmes.
Entrevue avecl’écrivaine Marie-Célie Agnant
Introduction
Au cours del’entrevue, l’écrivaine Marie-Célie Agnant nous présente la situation de latransmission entre les générations dans les groupes de personnes haïtiennes oud’origine haïtienne. À travers des va-et-vient entre sa propre vie et celle deses personnages de romans, l’auteure québécoise, elle-même originaire dePort-au-Prince, nous livre ses réflexions sur les thèmes suivants :l’oralité et le rôle des femmes dans la transmission intergénérationnelle en Haïti ;la difficulté pour les femmes haïtiennes d’accéder à l’écriture et à la parolepublique ; le relais par l’écriture dans le processus de transmission versles membres de la diaspora ; l’écriture comme vecteur de la communicationinterculturelle ; la langue de transmission ; les rapports entre lesfemmes de générations différentes ; l’identité culturelle, ainsi que sondouble héritage, québécois et haïtien, en tant que femme et en tantqu’écrivaine.
L’entrevue
ColetteBoucher : On a l’impression, en lisant Le livre d’Emma, que voustranscrivez des récits oraux, celui d’Emma et celui de Mattie notamment. Vousoffrez aux lecteurs le « livre oral » que Mattie construit au jour lejour pour Emma. Est-ce bien ce que vous avez voulu faire ?
Marie-CélieAgnant : Il est vrai que le récit donné par Mattie est un récit oral, à lamanière des transmissions orales que font les femmes âgées en Haïti. J’aigrandi dans un milieu de femmes comme cela arrive beaucoup dans les famillesantillaises. Les femmes vivent près des familles, pendant que les hommes sontailleurs, en train de mener leurs propres histoires et de régler leurs propresaffaires. En fait, on ne sait trop où ils sont. On se retrouve donc avec destantes, des grand-mères, des voisines, des personnes qu’on en vient àconsidérer comme de la famille par la force des choses. La famille en Haïti vabeaucoup plus loin que ce qu’on croit au Québec. À la longue, une personne del’entourage qui est très liée avec nous devient un membre de la famille. Alors,les femmes jouent ce rôle de transmission par l’oral. Ce faisant, j’ail’impression qu’elles s’appuient les unes sur les autres. C’est comme ça que jel’ai vécu dans l’enfance et c’est ainsi que je le ressens. La vie n’est pasfacile pour les femmes. Alors, pour s’entraider, on tisse des réseaux et,partant de là, il y a une forme de transmission qui se fait.
Je regarde mafille qui a grandi au Québec et je sens qu’il y a une expérience de la vie quilui échappe. Je veux parler de ce que nous enseigne la vie au contact de toutesces femmes d’expérience. Il lui manque le témoignage de ce vécu. Par ailleurs,elle n’a pas cette expérience de grandir dans une société du manque. On asouvent l’impression que nos enfants ont trop reçu et qu’il y a une philosophiede la vie qu’ils ont du mal à comprendre à cause de cela. Ils acceptentdifficilement une certaine réalité. Tout pour eux semble mécanique. Tout doitmarcher comme ils le veulent, comme une machine, alors que la vie n’est pasainsi faite. Seule l’expérience permet d’acquérir une philosophie plus ouverte.Moi, toute jeune déjà, j’ai été mise au contact du dur combat des femmes, j’aiété témoin de l’âpreté de la vie envers elles. Cela m’amène à accepter plusfacilement certains aspects pénibles de l’existence. Souvent, je parle à mafille de ma tante, de ma mère, des combats qu’elles ont menés. Pour moi, ils’agit d’une forme de transmission. Et c’est ce qu’elles font, sans le savoirparfois, ces femmes âgées.
C. B. : Lespersonnages de femmes sont forts, dans vos romans. Vous utilisez souvent leterme guerrières.
M.-C. A. : Jeconsidère que le monde dans lequel nous vivons, de par les inégalités et lamanière dont il tourne, est un monde dans lequel on livre la guerre à unecatégorie de personnes. Pour moi, l’écriture ne se dissocie pas du monde danslequel je vis. Par exemple, dans l’histoire d’Emma, j’ai utilisé la question del’esclavage. C’est un procédé que j’emploie pour jeter un éclairage sur lemonde d’aujourd’hui. Même s’il peut paraître fort d’employer le terme de« guerre », il faut bien admettre qu’on est obligé de se battre etd’être fort. Dans ma vie à moi, j’ai l’impression de toujours mener une guerrepour pouvoir agir et rester debout. Les femmes québécoises ont mené bien desguerres, aussi. J’ai travaillé sur une recherche, justement la recherche qui adonné lieu à La dot de Sara. J’étais vraiment très touchée de lire lesrécits de vie des Québécoises âgées. Il s’agit de femmes qui, à l’époque où onles interviewait, avaient 70 ans, 75 ans. Ce sont des guerrières, à leurmanière. Quand on sait d’où est parti le Québec, on constate que les femmes ontdû se battre : la quantité d’enfants qu’il leur fallait élever, le devoird’être soumises au clergé et d’obéir, parfois, à des hommes qui buvaient ;elle n’avaient d’autre choix que de travailler fort. On n’a qu’à lire, parexemple, Gabrielle Roy, et on le comprend, ces femmes ont été des guerrières.
C. B. :Pourquoi Emma est-elle la seule survivante de quintuplées ?
M.-C. A. : Jetrouvais que c’était une image forte dans le sens où ce que je voulais mettreen scène, c’était qu’elles avaient beau être cinq, cinq femmes, il n’y a quecelle-là qui ait survécu. Il y a une phrase où elle dit qu’elle criait pourtoutes les cinq. L’image des quintuplées est liée au sens que je veux donner aucri, à la place des femmes, au rôle des femmes et au silence qui les entoure.Ce livre tourne surtout autour du silence. Emma crie dès sa naissance, maispersonne ne l’entend. Elle dit : « je voudrais crier pour que les montagness’écroulent ». Ce qui est présent, c’est toujours le cri. Ce qui estdénoncé, c’est la voix que l’on s’obstine à faire taire.
Lire la suite de ce texte en consultant le Pdf ci-joint.