Professeur émérite des Universités, lelinguiste Jean Bernabé est décédé
dans la nuit de mardi [11 avril 2017] àmercredi à Fort-de-France.
Né en 1942 au Lorrain, Jean Bernabé est mort des suites d’unemaladie qui l’immobilisait depuis de nombreux mois. Doyen de la Faculté deslettres et sciences humaines de l’Université des Antilles-Guyane, agrégé degrammaire, éminent linguiste, Jean Bernabé était particulièrement reconnu pourses travaux sur la langue créole. Auteur du monumental « Fondal-natal: grammaire basilectale approchée des créoles guadeloupéens et martiniquais »en 3 volumes (1970, réédité en 2012), Jean Bernabé a aussi été lefondateur du « Groupe de recherches et d’études en espacecréole » (GEREC) et des études créoles à l’Université des Antilles et dela Guyane. Ami d’Haïti, il a au cours des ans contribué aux études de maitriseen linguistique de nombre de jeunes étudiants haïtiens en Martinique.
Il était également le co-fondateur avec Raphaël Confiant etPatrick Chamoiseau du mouvement littéraire de la Créolité autour notamment d’unouvrage publié en 1989: « Éloge de la créolité». Auteur de nombreusespublications (essais, romans, articles…), son dernier ouvrage publié l’annéedernière s’intitulait : « La dérive identitariste » publié chez L’Harmattan. (Franceantilles.fr)
Jean Bernabé. Crédit photo : Franceantilles
Robert Damoiseau rendhommage à Jean Bernabé
Fort-de-France,le17avril 2017
Germanisted’origine, Robert DAMOISEAU, originaire du Berry, est devenu un éminentcréoliste qui a d’abord travaillé sur le créole haïtien, puis le créolemartiniquais et enfin le créole guyanais, langues à propos desquels il a publiéplusieurs ouvrages, sa spécialité étant la syntaxe. Au sein de l’Université desAntilles-Guyane et du GEREC (Groupe d’Etudes et de Recherches en EspaceCréole), il a travaillé aux côtés de Jean BERNABE pendant plus de deux décennies,d’abord en tant que maître de conférences, puis professeur des universités.Aujourd’hui à la retraite, Robert DAMOISEAU, devenu professeur émérite, rendci-après un hommage à son ami-frère en créolistique…
Les études créolessont en deuil, et tous ceux qui ont œuvré dans ce domaine le sont aussi. Jesuis un de ceux-là.
J’ai eu la chancede rencontrer Jean Bernabé en 1975. Lors d’un de ses déplacements àParis, il avait rendu visite à Alain Bentolila qui dirigeait àl’Université de Paris V Sorbonne la petite équipe qui travaillait alors à larédaction du Ti diksyonnè kreyòl ayisyen-franse. Après cette date, noschemins se sont croisés à de nombreuses reprises, à l’occasion de colloques ouautres rencontres scientifiques, notamment en Haïti, à la Faculté de linguistique,dirigée alors par notre ami commun, Pierre Vernet. Puis, dans le prolongementde mes activités en Haïti, il m’a été donné de pouvoir travailler, en tant quemaître de conférences, puis de professeur, sous la direction de Jean, àl’Université des Antilles et de la Guyane .
Pendant cesquelque vingt années, j’ai donc été étroitement associé à ce long etpassionnant combat, mené par Jean Bernabé, pour la reconnaissance des langueset cultures créoles. Cette lutte n’a pas toujours été aisée. Maisl’exceptionnel dynamisme du travailleur infatigable qu’il était, sa foidans la cause qu’il défendait et qu’il savait faire partager, ont fait que cecheminement n’a jamais pesé sur l’enthousiasme de l’équipe qu’il conduisait. Lalongue route a été jalonnée d’acquis majeurs, de la création des Étudescréoles en tant que filière d’enseignement à l’université jusqu’à lamise en place d’un Capes de langues et cultures régionales créoles,dont nous sommes redevables à l’action de Jean Bernabé.
Le créoliste qu’ilétait fut aussi un essayiste reconnu. Son ouvrage sur La dérive identitaire témoigned’une grande lucidité sur l’évolution de nos sociétés. Bien avant que lesdébatteurs politiques ne s’emparent de ce thème, il a su sensibiliser l’opinionà ce mal grandissant.
Il me faut enfintémoigner du grand courage dont Jean a fait preuve dans sa lutte contrel’implacable maladie dont il se savait atteint.
L’œuvre, lapensée, la vie de Jean Bernabé l’inscrivent dans l’Histoire du peuple martiniquais.
Source : Montray kreyòl