Aménagement linguistique.2 (livre)
L’aménagementlinguistique en Haïti
Compte-rendu de lecture
Asselin Charles
American University of Nigeria (Nigeria)
Paru dans Le français àl’université (no 1,janvier 2012)
Agence universitairede la Francophonie (AUF)
Reproduiten janvier 2017
Titre du livre : L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions
Auteurs : Berrouët-Oriol, Robert, Cothière, D., Fournier, R., Saint-Fort, H.
Éditions du Cidihca et Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2011.
Unesolution pragmatique à la question linguistique en Haïti à travers lescontributions de quatre linguistes haïtiens, Robert Berrouët-Oriol, DarlineCothière, Robert Fournier, Hugues Saint-Fort. Ce livre explore le contextehistorique, social et politique de la coexistence du Créole et du Français enHaïti
Les Haïtiens ontdû attendre près de deux siècles après l’indépendance de leur pays, soitjusqu’en 1987, pour que le Créole, langue unificatrice de tous les Haïtiens,soit constitutionnellement reconnu comme langue officielle, au même titre quele Français. La seule officialisation du Créole n’aura cependant pas mis fin àla marginalisation des unilingues créolophones, représentant 80 % de lapopulation, qui n’ont toujours pas un plein accès aux services de l’État ni àun système efficace d’éducation. Au nombre des raisons sociohistoriques quiexpliquent cet état de choses, il faut surtout retenir l’absence d’effortsréels de la part de l’État pour satisfaire les droits linguistiques de lamajorité. D’où la nécessité urgente de concevoir et d’appliquer une politiqued’aménagement linguistique en vue de gérer la coexistence du Français et duCréole dans l’espace haïtien.
Telles sont lespréoccupations de cet ouvrage collectif, dirigé par Robert Berrouët-Oriol. Celivre réunit les contributions de quatre linguistes. Il se propose d’explorerle contexte historique, social et politique de la coexistence du Créole et duFrançais en Haïti, de faire le tour des diverses tentatives lancées en vue deles aménager et d’offrir, sur des bases pragmatiques plutôt qu’idéologiques,des pistes valables pour un tel aménagement. Comme préalable à cetteentreprise, les auteurs considèrent qu’il convient de mettre fin à des débatschimériques comme ceux auxquels on s’attarde sur la définition du Créole, surses différentes appellations, le Créole ou l’haïtien, ou encore sur ladiglossie. D’autres notions, plus pertinentes, selon eux, notamment celles dedroit à la langue comme droit humain universel, de convergence linguistiquedans une franco-créolophonie haïtienne et d’aménagement linguistique dans uncadre légal, pourraient mieux aider à trouver des solutions aux problèmes deslangues en Haïti.
Nous trouvons cespositions dans le chapitre intitulé « Propositions pour l’élaboration dela première loi sur l’aménagement linguistique en Haïti ». Ce textes’accompagne de sa traduction en langue créole sous la plume du linguisteHugues Saint-Fort. Les titres des diverses propositions de cette loi indiquentclairement ses objectifs : obtenir l’égalité de statut entre le Créole etle Français, appliquer les droits linguistiques reconnus à tous les Haïtiens,fixer les obligations de l’État en matière d’aménagement et de didactique desdeux langues haïtiennes, réglementer l’exercice de la politique linguistique.Le livre de Berrouët-Oriol effectue ainsi le passage de la théorie à lapratique en posant les bases concrètes d’une législation qui assurera lajouissance de la pleine citoyenneté à tous les Haïtiens.
Certains aspectsde la problématique des langues ont cependant été oubliés. Les auteurs netiennent pas suffisamment compte du contexte géopolitique et géoculturel queconstitue le voisinage des pays anglophones et hispanophones de la Caraïbe. Onignore également d’autres forces qui interviennent depuis quelque temps dans lepaysage linguistique haïtien et qui devraient amener à dépasser la simpleopposition binaire du créole et du Français. Le paradigme du bilinguismeFrançais-Créole pourrait bien être insuffisant au regard des facteurs liés à lamondialisation et à la migration. Les Haïtiens ont émigré un peu partout dansle monde, en particulier aux États-Unis. L’usage d’autres langues a favorisél’émergence d’autres types de bilinguisme, notamment celui de l’anglais et duCréole.
Il ne suffit plusalors d’opposer le créole au français. Le seul fait qui demeure immuable, c’estque le Créole, langue maternelle et nationale, est incontournable et que c’estavec lui que devront composer toutes les autres langues.
L’aménagementlinguistique en Haïti est un livre qui arrive à point nommé. Au lendemain dutremblement de terre de janvier 2010, le pays cherche un nouveau départ danstous les domaines de la vie nationale. Cet ouvrage est une précieusecontribution à cette entreprise de reconstruction nationale, dans la mesure oùil propose une solution pragmatique à la question linguistique en Haïti, quiest au fond une question de citoyenneté.
Référence del’œuvre :
L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux,défis et propositions Édition du CIDIHCA / Éditions del’Université d’État d’Haïti ISBN 978 289454-985-8 Février 2011.