Journées d’étude scientifique/ Suzanne Comhaire-Sylvain : regards croisés sur une femme, écrivaine, linguiste et anthropologue
Par Ethson Otilien
Le National, 1er novembre 2019
Journées organisées en alternance par le laboratoire LangSÉ de la Faculté de linguistique appliquée et la City University of New York (CUNY) à Port-au-Prince, le 23 avril 2019 et à New York, le 22 mai 2020.
Suzanne Comhaire-Sylvain est née à Port-au-Prince en 1898 et morte au Nigéria en 1975. Elle est une anthropologue africaniste et une linguiste qui a mené beaucoup de recherches dans le champ des études haïtiennes. Première femme linguiste et anthropologue d’Haïti, elle fait partie des pionniers des études créoles et de l’oraliture. Au cours de sa carrière universitaire, elle a publié divers articles de référence sur des aspects de la vie sociale et culturelle d’Haïti et de certains pays africains notamment le Congo et le Nigéria. Ses études des contes haïtiens cherchent non seulement à les catégoriser, à retracer leurs origines mais également à dégager leur structure. Par ses recherches, Comhaire-Sylvain occupe une place honorable dans l’étude de l’oraliture folklorique haïtienne en dépit des limites épistémiques de ses méthodes, notamment sa manière de transcrire les contes qui fait trop appel à la mémoire.
Durant les années 1930, tandis que se consolide l’ethnologie amorcée au XIXème siècle, s’accentue le nationalisme culturel en Haïti et s’amplifie l’indigénisme, elle soutient une thèse doctorale à la Sorbonne sur « Les contes haïtiens » (1936). Ses travaux sur le créole sont salués comme une importante contribution à la linguistique. Pour Carter Godwin Woodson (1937), « elle n’a pas seulement donné une nouvelle image du langage des Haïtiens, mais des trésors littéraires dont cette langue est la clé ». Son livre « Le créole haïtien, morphologie et syntaxe » (1936) et celui de Jules Faine « Philologie créole » (1936) sont souvent cités dans les études retraçant l’origine des créoles et du créole haïtien en particulier.
Comhaire-Sylvain nous aide à saisir certaines réalités culturelles haïtiennes et africaines. Dans Femmes de Kinshasa hier et aujourd’hui (1968), elle dresse le portrait des femmes de Kinshasa, leur quotidien, leurs loisirs et leur mode de fonctionnement à partir de deux enquêtes effectuées de 1943 à 1945 et en 1965. Ces recherches ont ouvert la voie à d’autres sur le Congo après le départ des Belges. Dans « La femme dans le proverbe créole » (1938a), elle répertorie les proverbes haïtiens dans lesquels la femme se trouve présente. Naissance, mort, état-civil à Kenscoff (Haïti) (1959) qui est un travail à deux mains (Suzanne et Jean Comhaire [son mari]) reste une véritable source de référence ethnographique pour quiconque veut étudier la naissance, la mort et l’état-civil à Kenscoff. Dans le premier article de ce travail, les auteurs traitent de la grossesse à Kenscoff prise dans son contexte ethnographique, notamment comme phénomène lié aux croyances. Les travaux de Comhaire-Sylvain lui ont valu le poste d’experte à l’ONU pour l’Afrique pendant huit ans et des distinctions internationales, notamment, le prix de l’Alliance Française et la Médaille de l’Académie Française pour ne citer que celles-là.
Kathleen Gyssels (2005) écrit à son propos : « Le mérite de Suzanne Comhaire-Sylvain (1898-1975) fut de récolter la manne que constituaient les fables « fab’ » créoles, d’étudier en ethnologue et linguiste les origines du créole haïtien et des proverbes, devinettes et contes, bref, de ce qu’on appelle l’ » oraliture »». Elle ajoute : « Fille de Georges Sylvain[1866-1925], qui fut le premier à adapter les fables de La Fontaine et nièce de Bénito Sylvain, le chantre du panafricanisme, elle fut celle qui, plus que toute autre, comprit très tôt que le folklore représentait un matériau de choix pour tout anthropologue ou sociologue qui s’intéressait à Haïti ».
45 ans après sa mort (20 juin 1975-20 juin 2020), nous appelons à une première évaluation de l’œuvre multidimensionnelle de cette grande scientifique, afin de déterminer les apports et la postérité de sa démarche dans ses deux principales disciplines, la linguistique et l’anthropologie. On se penchera sur les champs qu’elle a explorés comme la créolistique, l’oraliture et les études féminines. De multiples aspects peuvent être analysés comme les courants scientifiques dans lesquels se situent l’œuvre de Comhaire-Sylvain, ses propres perspectives théoriques et méthodologiques, son écriture, ses terrains, ses enquêtes, son approche des relations entre Haïti et l’Afrique, sa place dans l’ethnologie haïtienne et les recherches africaines, etc.
Modalités de participation
Adresser à ethsotilien@gmail.com un résumé de 300 à 500 mots dans l’une des deux langues du colloque (créole haïtien, français). La police à utiliser est le Cambria, taille 12 points, interligne 1.5 point. Le résumé doit être accompagné d’une courte biobibliographie de l’auteur de la proposition.
Dates importantes à retenir
• Appel à communications : 20 septembre 2019
• Date limite pour l’envoi des résumés : 15 décembre 2019
• Notification d’acceptation ou de rejet : 15 janvier 2020
• Tenue des deux journées d’étude : 23 avril (Haïti), 22 mai (New York) 2020
Publications
Après évaluation et sélection par le comité scientifique, les textes issus des différentes communications seront publiés dans un ouvrage collectif.
Pour le comité d’organisation,
Ethson Otilien, coordonnateur