Funérailles de Gérald Bloncourt, « l’homme qui aimait passionnément Haïti »
Par Jocelyn Belfort
Le Nouvelliste, 5 novembre 2018
La communauté haïtienne de France, la famille et les amis du poète et photographe Gérard Bloncourt lui ont rendu un dernier hommage le lundi 5 novembre, un jour après son anniversaire, à la salle de la coupole Père-Lachaise à Paris. Un moment riche en émotion, surtout pour tous ceux qui ont côtoyé ce grand combattant qui a fait la révolte des étudiants en Haïti aux côtés de René Depestre et de Stephen Alexis en 1946.
Le cortège funéraire de Gérald Bloncourt est arrivé ce lundi 5 novembre un peu après 15h à la salle de la coupole de Père-Lachaise.
La famille de Gérald Bloncourt- sa femme et ses enfants-, ses amis, des Haïtiens de France et les membres du corps diplomatique suivent le cercueil pour un dernier hommage au combattant qu’était Gérald Bloncourt. Des écrivains, des littéraires et des romanciers, dont Dany Laferrière, Mackenzy Orcel et James Noël, ont fait le déplacement pour saluer pour une dernière fois celui qui était un « amoureux d’Haïti ».
Natif-natal de Bainet, Gérald Bloncourt a passé 40 ans de sa vie en exil avant de retourner en Haïti en 1986 après la chute de Duvalier. Celui qui fut considéré comme l’un des leaders des « Cinq Glorieuses » qui aboutiront à la chute du président Élie Lescot, le 11 janvier 1946, était scruté de son vivant comme un artiste polyvalent qui a mis toujours Haïti au centre de ses oeuvres.
Cette cérémonie a commencé par une courte vidéo qui raconte un peu la vie, l’œuvre, les combats menés par Gérald Bloncourt. Dans cette vidéo, Gérald Bloncourt, raconte qu’il est un homme heureux. Joyeux même. Entouré d’affections et d’amitiés. « J’ai vécu longtemps (92 ans) ayant été fidèle aux conceptions de liberté, d’égalité et de fraternité qui m’ont animé toute ma vie. […] Je suis particulièrement fier d’être un transmetteur de mémoire des évènements que j’ai vécus et de m’être rendu utile », des mots forts qui traversent l’œuvre posthume de Gérald Bloncourt, « Un homme peau noire peau rouge, un homme de toutes les saisons ».
Après cette vidéo commençait la vague de discours prononcés par des amis, des romanciers haïtiens et la femme du défunt.
Pour Max Bourjolly, ancien numéro deux du Parti unifié des communistes haïtiens (PUCH) qui a connu feu Bloncourt Gérald depuis plusieurs décennies, le défunt était un « grand homme, un humaniste, un photographe et un écrivain qui aimait ce qu’il faisait». Il a en outre rappelé que la vie de Gérald Bloncourt a surtout été marquée par l’injustice et son rêve d’une vie meilleure pour les Haïtiens. « Tu as été un homme humble, généreux, courageux et passionné. C’est quelqu’un qui était très attentif aux innovations technologiques. Tu as toujours été le jeune homme, comme l’a si bien rappelé Lyonel Trouillot », a souligné Max Bourjolly tout ému devant les dépouilles de celui qui parcourait le monde comme photographe reporter. En France, il a surtout mis son talent de photographe au service des causes nobles comme la révolution de mai 1968, la construction de Montparnasse et de plusieurs voyages en tant que photographe en Russie, au Portugal et dans d’autres pays du monde, rappelle son ami Max Bourjolly.
Peu de temps après le discours de Bourjolly, la voix imposante de Gérald Bloncourt retentit dans la salle dans le poème « Je me souviens » qu’il a lui-même composé pour retracer son parcours, son œuvre et ses luttes pour la liberté. « Je me souviens qu’il fallait oublier les prisonniers parce qu’ils n’étaient pas d’accord avec le régime duvaliériste. Je me souviens que je devais attendre plus de 40 ans avant de revoir ma terre natale. Je me souviens des amours, de liberté et de mes rêves. Je me souviens qu’un jour viendra.»
Selon Maguet Delva, responsable de communication du consulat d’Haïti en France, Gérald Bloncourt aimait « passionnément Haïti qu’il peignait avec délicatesse et bienveillance ». « En bon journaliste, il était toujours à jour dans ses informations sur Haïti. Ce natif de Bainet parcourait les studios de télévison et de radio pour parler de son pays à chaque catastrophe, a expliqué monsieur Delva. Toujours là et inlassablement pour dire sa vérité et il refusa de toutes ses forces les caricatures que des journalistes pressés affublaient au pays de Dessalines.»
Pour sa femme Isabelle, Gérald Bloncourt est un rassembleur. « Tout moun se moun = chaque homme est humain, répétait-il souvent. » Remerciant l’assistance (…) de plus de 300 personnes, la femme du défunt a surtout souligné que Gérald Bloncourt n’a jamais quitté Haïti même s’il vivait en France. Selon elle, Gérard Bloncourt continuera à vivre à travers ses œuvres et les amis que son feu mari a mis sur sa route. « Il a ramené toujours des gens généreux, joyeux à la maison. Je remercie tous ses amis qui m’ont supportée dans ces moments de douleur et qui continueront à nourrir la joie de vivre de mon mari après ces funérailles », a-t-elle souligné.
La ville de Fafe au Portugal a également rendu aujourd’hui un vibrant hommage à Gérald Bloncourt qui lui avait offert 100 photos pour un musée d’immigration. « Obligado Gérald Bloncourt » est écrit dans une pancarte sur les murs du musée de l’immigration, comme pour dire merci à l’auteur du « Journal d’un révolutionnaire» qui a parcouru l’Europe comme photographe pour couvrir des événements populaires comme la révolution des œillets au Portugal.
Une dernière vidéo a été diffusée à la fin de la cérémonie qui retrace le dernier voyage de Gérald Bloncourt en Haïti en 2016 pour les 70 ans des 5 glorieuses. Gérald Bloncourt a clôturé cette vidéo par sa devise, « Kenbe fèm pa lage » pour dire à tous les Haïtiens: tenez bon ! La dépouille de Gérald Bloncourt a été conduite au crématorium-columbarium Père-Lachaise sous les applaudissements de l’assistance. Au revoir le combattant !