Les tendres mémoires de René Depestre
Les Mémoires du poète et romancier haïtien sont attendus en janvier. L’hiver s’annonce florissant du côté des lettres haïtiennes.
Par Valérie Marin La Meslée
Le Point, 1/12/2017
Le titre n’est pas encore officiel mais René Depestre nous le souffle, Bonsoir tendresse, comme un clin d’œil à Françoise Sagan. Les tant attendus Mémoires de l’écrivain haïtien sont annoncés pour le 25 janvier aux éditions Odile Jacob. Le prix Renaudot pour Hadriana dans tous mes rêves (1988), qui a fait l’an dernier un retour remarqué au roman avec Popa Singer (Zulma) s’y raconte. Marc Augé, qui l’accueille dans sa collection « Mondes contemporains », signe l’avant-propos, l’introduction est de Jean-Luc Bonniol, universitaire spécialiste des sociétés créoles, ami et complice de l’écrivain.
En attendant la fin janvier, les nouvelles sont bonnes du côté des lettres haïtiennes ! De deux ans le cadet de Depestre, Anthony Phelps, qui a émigré à Montréal, vient de recevoir sous la coupole le grand prix de poésie de l’Académie française. Pour celui ou celle qui voudrait découvrir ce grand poète, son dernier ouvrage, Au souffle du vent-poupée, illustré des peintures d’Iris Geneviève Lahens, vient de paraître aux éditions Bruno Doucey. La préface est signée Louis-Philippe Dalembert, auteur du roman Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme. Un proverbe haïtien que reprend d’ailleurs René Depestre en exergue de ses Mémoires, qu’il a dédicacés à Dalembert, nous dit-il.
Relève
Louis-Philippe Dalembert, dont le roman Avant que les ombres s’effacent (Sabine Wespieser) nous a enthousiasmés, était l’invité d’honneur du Salon du livre haïtien (les 2 et 3 décembre à Paris). On y a rendu un hommage au fondateur de la maison d’édition Zellige, Roger Tavernier, qui s’est lancé dans l’aventure à partir de sa découverte d’Haïti et des oeuvres de Marie Chauvet. Il vient d’ailleurs de rééditer un introuvable en librairie de la grande dame des lettres haïtiennes, son dernier roman, Rapaces, préfacé par Michaelle Jean, avec un tableau d’Eddy Saint-Martin en couverture. La soirée du samedi s’est déroulée sous le ciel des Abricots, le village chanté par un autre grand écrivain haïtien, brutalement disparu cette année, Jean-Claude Fignolé, dont les éditions Vents d’ailleurs republient la trilogie entamée avec Les Possédés de la pleine lune, justement situé au village dont Fignolé fut le maire. Sabine Wespieser avait édité son formidable roman Une heure pour l’éternité, et la voici qui publiera en janvier le nouveau roman de Yanick Lahens, (Prix Fémina pour Bain de lune.) On attend aussi au Mercure de France celui de Kettly Mars. Bref, c’est Byzance pour Port-au-Prince. On ne pourra finir l’année 2017 sans avoir lu Les Temps de la cruauté de Gary Victor, aux éditions Philippe Rey. Un de ses meilleurs romans, ce qui n’a pas échappé au jury du prix Fetkann, dont il est le lauréat 2017.
Et la relève ? Mardi 5 décembre, Néhémy Pierre-Dahomey recevra le prix révélation de la Société des gens de lettres pour Rapatriés et le lendemain, James Noël, l’auteur de Belle Merveille (éditions Zulma) sera fait chevalier des arts et des lettres. Son cadet Jean D’Amérique, vient de publier au Cheyne Éditeur son recueil Nul chemin dans la peau que saignante étreinte, et se voit récompensé par la Fondation Marcel Bleustein-Blanchet pour la vocation. Voilà qui doit faire plaisir à Lyonel Trouillot, qui avait publié du même, aux éditions Atelier Jeudi soir (du nom de son atelier d’écriture à Port-au-Prince) Petite fleur du ghetto. Enfin, signalons la réédition en poche (Zulma) d’un livre délicieux de Dany Laferrière, Le Goût des jeunes filles, de quoi patienter avant la sortie du nouvel opus de l’académicien au printemps… Et, tandis que les honneurs pleuvent sur les lettres haïtiennes dans l’Hexagone, les poètes sont aussi fêtés sur leur île ! La 4e Nuit blanche de Port-au-Prince, dont le commissaire Giscard Bouchotte était venu parler au Point, a battu son plein ce samedi 2 décembre, avec notamment pour décor la Bibliothèque nationale d’Haïti.