La relation linguistique du monde et de soi
Par Sylvie W. Bajeux
Directrice exécutive
Centre oecuménique des droits humains
Port-au-Prince, le 20 septembre 2017
Dès la naissance, le rapport de soi au monde a quelque chose de primordial : les sons, les couleurs, les bruits, les distances, la variété des formes, les mouvements divers, ainsi que ce que l’on touche constituent ce langage premier, non encore verbal, dont dépend la relation existentielle du soi et du non-soi, sans que pour autant il y ait une absorption totale de l’un et de l’autre. Nous sommes tributaires de nos cinq sens et le dialogue de chacun, dans la perception qu’il a du pays où il vit, lui est propre, de l’ordre de la subjectivité. Le langage de chacun n’a pas les mêmes résonances que celui des autres, même s’il s’agit de la même langue. Il correspond au choix que nous faisons des mots et à la mélodie intérieure que nous ressentons. Aucune langue n’est figée, certes ; il ne convient pas pour autant de chercher à la défigurer, voire à la détruire.
Pour ce qui est d’Haïti, certains éléments sont à souligner, car il s’agit, en fait, en contradiction avec la position officielle, d’un pays bilingue : français/créole. C’est pourquoi, du point de vue proprement linguistique et contrairement aux affirmations qui ont malheureusement cours, le créole est, à part entière, une authentique langue. Il convient de l’affirmer et de faire taire en cette matière des préjugés sans aucun fondement. Le créole est bel et bien une langue à bien apprendre et à bien parler et ceux qui le cultivent doivent se défaire de tout sentiment de gêne et d’infériorité.
Mais ce constat est en contradiction avec la perception de la population, pour laquelle, seule la maitrise de la langue française peut contribuer à un avancement social/économique dans le contexte national.
Et c’est dans ce contexte et à partir de ces éléments qu’il faut examiner la responsabilité de l’État qui se situe à différents niveaux :
- La reconnaissance officielle de l’importance de la langue créole dans l’enseignement pour renforcer et contribuer au respect du droit fondamental à l’éducation en Haïti, pays bilingue qui a adhéré aux conventions et accords internationaux concernant le droit à l’éducation.
- Le rôle du ministère de l’Éducation en ce qui concerne la place du créole dans l’apprentissage scolaire. Il s’agit, comme dans toute pédagogie, d’en définir les étapes. Les toutes premières années du primaire doivent s’y consacrer. En tenant compte du créole parlé avant l’apprentissage scolaire, les enseignants, conscients que les écoliers dont ils ont la charge, n’arrivent pas la tête vide, doivent partir de l’expérience qu’ils ont pour s’appliquer graduellement à l’étoffer et le clarifier. Cela étant, dans les années qui suivent, on peut alors les introduire au français, les ouvrant ainsi au bilinguisme national.
Par ailleurs, les intellectuels, spécialistes du langage, ont beau s’entendre sur la façon d’écrire le créole, de telles trouvailles demeurent lettre morte, vu le nombre d’illettrés dans le pays. L’enseignement des deux langues — le français et le créole — devrait se généraliser, dans l’hypothèse d’une refonte de l’ensemble du système scolaire haïtien, si l’on veut que l’accès à Internet par une langue internationale soit à la portée de tous. La parité sociale en dépend, si l’on ne veut pas assister à l’expatriation des jeunes et au sentiment que leur avenir est ailleurs.
- Enfin, logique oblige, tous les textes officiels devraient être écrits dans les deux langues. Une telle pratique deviendrait ainsi la consécration de l’importance et de la valeur d’un tel bilinguisme national. Une telle pratique contribuerait à tisser les liens entre toutes les couches sociales du pays et constituerait un élément phare de l’humanisme et de la démocratie.
Du point de vue proprement linguistique, contrairement à des affirmations qui ont malheureusement cours, le créole est, à part entière, une authentique langue. Il convient de l’affirmer et de faire taire en cette matière des préjugés sans aucun fondement. Le créole est bel et bien une langue à bien apprendre et à bien parler et ceux qui le cultivent doivent se défaire de tout sentiment de honte et d’infériorité.
En ce qui concerne l’apprentissage scolaire, il convient, comme l’exige toute pédagogie, d’en définir les étapes. Les toutes premières années du primaire doivent s’y consacrer. En tenant compte du créole parlé avant l’apprentissage scolaire, les enseignants — conscients que les écoliers dont ils ont la charge n’arrivent pas la tête vide — doivent partir de l’expérience qu’ils en ont pour s’appliquer graduellement à l’étoffer et à le clarifier. Cela étant, dans les années qui suivent, on peut alors les introduire à la langue étrangère et internationale du français, les ouvrant ainsi au bilinguisme national.
Qu’en est-il alors de la responsabilité de l’État ? Logique oblige, tous les textes officiels devraient être écrits dans les deux langues. Une telle pratique deviendrait ainsi la consécration de l’importance et de la valeur d’un tel bilinguisme national.
Une telle pratique contribuerait à tisser les liens entre toutes les couches sociales du pays et constituerait un élément phare et de l’humanisme et de la démocratie.