Avez-vous dit aménagement des langues
dans le curriculum du système éducatif haïtien ?
Par Pierre-Michel Laguerre
Linguiste, spécialiste du curriculum
Port-au-Prince, octobre 2017
Pierre-Michel Laguerre, normalien, licencié en droit de l’UEH, a obtenu une maîtrise en éducation (M.A) à l’Université McGill (Montréal, Canada) et un diplôme d’études approfondies (DEA) en linguistique (Paris V, Sorbonne). Il a mis sur pied la direction du Curriculum et de la qualité (DCQ) qu’il a dirigée pendant dix ans avant d’être nommé directeur général du ministère de l’Éducation nationale en Haiti. Outre « Enseigner le créole et le français aux enfants haitiens : enjeux et perspectives » aux Éditions Deschamps, le professeur Laguerre prépare actuellement un ouvrage sur la situation curriculaire de l’école haitienne. |
Introduction
Le curriculum de l’École haïtienne issu de la Réforme Bernard des années 70-80, encore en vigueur, soit un demi siècle près, avait en lever de rideau balisé le système éducatif avec un certain nombre de piliers importants que l’on peut camper ainsi :
- ouverture à un parcours d’orientation novateur où l’École fondamentale (de 10 ans ramenée par la suite à 9 ans) remplace l’école primaire et les premières années des lycées et collèges de l’ancien système ;
- réduction des enseignements du niveau secondaire dans les lycées et collèges d’enseignement classique ou technique à une scolarité de trois ans aboutissant à un baccalauréat général ou spécialisé (technique et pédagogique) ;
- introduction du créole, langue d’enseignement et langue enseignée tout au long de l’École fondamentale, à côté du français langue enseignée tout au long de l’École fondamentale, et langue d’enseignement à partir de la 6e année ;
- définition d’une nouvelle éducation haïtienne qui, dans ses finalités, doit privilégier un facteur d’intégration et de cohésion par la réconciliation du jeune haïtien avec son environnement culturel, social et économique lui permettant un cheminement vers la carrière professionnelle (ou vocationnelle) et une meilleure insertion professionnelle.
Le curriculum ainsi conçu se propose de répondre au mieux au profil de sortie de l’enfant en fin de scolarité de base, notamment en matière de compétence langagière. Il présente également les divers domaines d’études dans une perspective interdisciplinaire et assure la répartition rationnelle du temps dans le cursus scolaire. En tête de liste, on trouve ceci :
- Créole : langue maternelle. Outre sa fonction instrumentale dans le processus d’apprentissage et d’acquisition des connaissances, le créole joue à l’école un rôle d’intégration sociale et culturelle en reliant l’enfant à son environnement communautaire, à l’histoire du pays et assure en même temps la base sociolinguistique de l’unité nationale et de son authenticité.
- Français : le français qui constitue la seconde langue nationale d’Haïti au même titre que le créole vise à l’instauration d’un bilinguisme équilibré. Outre sa fonction d’outil de connaissances, notamment scientifiques et technologiques, le français permet également l’accès à la culture nationale et à la civilisation universelle.
Quels questionnements pourrait-on porter sur l’aménagement des langues dans le curriculum du système éducatif haïtien ?
Un zoom sur l’aménagement des langues dans le système éducatif haïtien avant la Réforme Bernard
Avant la réforme Bernard des années 70, l’École haïtienne fonctionnait théoriquement en français. En effet, le cursus de la scolarité en Haïti comportait une part importante d’étude du français, ce qui fait dire à un pédagogue haïtien que « l’enseignement de la langue française demeure l’objectif principal de l’enseignement primaire au point que la connaissance du français était la connaissance tout court ». Mais les résultats sont décevants. Après sept années d’école primaire, à raison de dix heures de français au moins, les élèves, qui pourtant sont détenteurs d’un certificat, maîtrisent peu ou pas du tout cette langue. Et selon une évaluation de Mathelier (1980), plus d’un siècle et demi d’enseignement en français à l’École haïtienne n’a réussi à fabriquer que 3 % de francophones actifs à côté de 90 % de créolophones purs, les autres 7 % formant le groupe de francophones plus ou moins actifs.
Tout d’abord, et paradoxalement, l’intervention pédagogique de l’École haïtienne dans l’enseignement du français était pour une large part « submersive », dans la mesure où elle ne tenait pas compte de la langue maternelle de l’élève créolophone. Pour ces élèves, la submersion était totale ou partielle suivant la ou les langue(s) utilisée(s).
Dès lors, l’enfant haïtien, confronté à une langue qu’il ne maîtrise pas, se trouve par rapport au milieu langagier de l’école dans une situation d’incompréhension partielle ou totale. La description qu’en font Bentolila et Gani (1981) en dit long : « Élèves et enseignants étaient amenés à donner le spectacle d’une école « en français », mais, incapables de maîtriser cette langue. Dans leurs rapports mutuels, ils utilisaient un mésolecte dans lequel les stéréotypes et les mots français prenaient une fonction symbolique. »
Ensuite, l’acte pédagogique part de textes écrits d’auteurs. Le caractère exotique des manuels amène l’enfant dans un univers culturel qu’il ne connaît pas, univers culturel qui, à la fin de sa scolarisation, deviendra le lieu privilégié de ses fantasmes. Quant aux éléments d’apprentissage, ils s’articulent autour des leçons de vocabulaire, de grammaire et d’orthographe qui, de la mémorisation des règles à l’exercice d’application, conduisent à la maîtrise des éléments de langue ainsi étudiés. Or, l’usage effectif d’une langue suppose pour le moins une intégration affective du vocabulaire et des structures étudiées, intégration sans laquelle la performance ne s’arrête qu’à des stéréotypes verbaux au niveau de la mémoire littérale. C’est donc dire que, si la langue française fonctionne de « façon habitée » pour ceux qui, dans leur environnement familial, ont la possibilité d’une utilisation effective de la langue, elle fonctionne, par contre, « à vide » pour tous ceux qui n’ont pas ce même privilège.
Pourtant, la question de l’emploi pédagogique du créole semble être vieille de plus d’un siècle. Déjà, en 1898, Georges Sylvain disait : « Le jour où le créole aura droit de cité dans nos écoles primaires rurales et urbaines, le problème de l’instruction primaire sera près d’être résolu » (Pressoir 1954 : 64). De plus en plus et à des degrés divers, la question linguistique s’était actualisée dans le processus politique et éducatif d’Haïti. La lutte en vue de valoriser le créole a été menée. Au combat idéologique étaient venues s’ajouter des expériences pilotes, des recherches empiriques qui attestent des résultats socio-éducatifs positifs de l’utilisation du créole dans l’enseignement.
« Nous avons, pour la première fois, entraîné la question du bilinguisme créole-français en Haïti sur le terrain de la recherche expérimentale. Nous avons démontré avec des chiffres qu’une méthode d’enseignement bilingue s’appuyant sur le créole comme langue de base et le français comme langue étrangère après neuf mois d’apprentissage a des résultats beaucoup plus convaincants que ceux des méthodes traditionnelles et importées » conclurent De Ronceray et Petit-Frère (1975) à la fin de leur projet expérimental sur le bilinguisme en milieu rural.
D’autres expériences ont prouvé qu’une école haïtienne qui parle créole à des enfants qui n’entendent et ne comprennent que le créole facilite leur intégration dans le cursus scolaire et suscite moins de déperditions. Ainsi, comme l’indique les données du Tableau I ci-dessous, sur les 182 enfants partis de la première année en 1974, 116 se retrouvent au bout de la quatrième année et 109 à la fin de la cinquième année, soit respectivement 63,73 et 59,88 %, alors que dans les écoles traditionnelles se produit le phénomène inverse d’une déperdition de 75%.
Tableau I : Elèves inscrits au CREP de Laborde (1974-1978)
Année | 1er A | CP. I | CP II | EL I | EL II | MOY I | MOY II |
1974 | 182 | 136 | 127 | 55 | 42 | 28 | – |
1975 | 209 | 156 | 107 | 88 | 41 | 28 | 23 |
1976 | 229 | 164 | 131 | 97 | 76 | 35 | 25 |
1977 | 239 | 206 | 115 | 116 | 81 | 36 | 23 |
1978 | 360 | 247 | 177 | 102 | 109 | 71 | 32 |
Source : Rapport présenté au séminaire tenu à l’Institut pédagogique national d’Haïti (Port-au-Prince) du 17 au 22 août 1979 par le CREF (Centre rural d’éducation populaire) de Laborde. |
Enfin, toujours dans le catalogue de l’aménagement et de l’enseignement des langues dans le système éducatif haïtien, il faudrait mentionner qu’une large place était faite au niveau du secondaire aux matières recouvrant les champs disciplinaires suivantes :
- a) Langues vivantes : anglais,
- b) Langues mortes : latin, grec
Aujourd’hui, les matières telles que le latin et le grec, en dépit de certaines évocations de leur apport à une meilleure maîtrise du français, ne sont plus enseignées depuis la réforme de 1982, sauf dans certaines écoles congréganistes.
Alors vint la Réforme Bernard
Le combat idéologique, les enquêtes, les analyses, les recherches ne sont pas restées lettre morte si l’on se réfère à cette prise de position du pouvoir politique. « Notre langue nationale, le créole, devient instrument et objet d’enseignement au cours des quatre années du cycle fondamental… Il est nettement démontré qu’aucun enseignement n’est plus efficace et ne laisse de traces plus profondes que celui qui passe par la langue maternelle » (Extraits du discours du 20 mai 1979 de M. Joseph C. Bernard, ministre de l’Education nationale).
Ce dispositif bilangue qui est nouveau a fait l’objet d’une disposition légale. En effet, seule la politique éducative fournit des indicateurs quant à l’aménagement des langues dans l’espace socioscolaire. Cette prise de position doit être mise au crédit de Joseph C. Bernard. La proposition de répartition en ce qui concerne l’aménagement des langues à l’école haïtienne se lit comme suit à l’article 29 du Décret organisant le système éducatif haïtien du 30 mars 1982 :
« Le créole est langue d’enseignement et langue enseignée tout au long de l’Ecole fondamentale. Le français est langue enseignée tout au long de l’Ecole fondamentale, et langue d’enseignement à partir de la 6e année ».
Traduit sous forme d’heures d’enseignement, l’aménagement linguistique dans l’espace socioscolaire sous le double rapport langues enseignées et langues d’enseignement présente la configuration suivante (voir Tableau II) : une décroissance de l’enseignement du créole par rapport au français comme « objet d’enseignement », soit 1140 heures contre 1230 heures pour le français ; un montant d’heures nettement supérieur accordé au créole comme « outil d’enseignement », soit 3510 heures contre 2850 heures pour le français. Il s’agit, bien sûr, des propositions légitimées par l’instance politique d’éducation qui peuvent, cependant, contraster avec la pratique des acteurs éducatifs impliqués dans le quotidien des salles de classe.
Tableau : Répartition des heures d’enseignement dans les deux langues (créole et française) pour les neuf années de l’École fondamentale
Nombre d’heures / année | Années d’études | ||||||||||
1e
hrs |
2e
hrs |
3e
hrs |
4e
hrs |
5e
hrs |
6e
hrs |
7e
hrs |
8e
hrs |
9e
hrs |
Total | ||
Langues enseignées | Créole |
210 |
210 |
150 |
150 |
120 |
120 |
60 |
60 |
60 |
1140 |
Français |
120 |
120 |
120 |
120 |
150 |
150 |
150 |
150 |
150 |
1230 |
|
Langues d’enseignement | Créole |
600 |
630 |
660 |
660 |
660 |
120 |
60 |
60 |
60 |
3510 |
Français |
Période de scolarisation en créole |
690 |
720 |
720 |
720 |
2890 |
|||||
Total heures de scolarisation |
720 |
750 |
780 |
780 |
810 |
810 |
780 |
780 |
780 |
6990 |
Sources : Données compilées par l’auteur à partir du Programme détaillé des trois cycles de l’École fondamentale
L’argumentaire relatif à l’aménagement des deux langues dans le système éducatif haïtien se justifie par un souci d’équité et de justice sociale en faveur d’une grande majorité d’élèves haïtiens, unilingues créolophones, qui doivent faire leurs premiers apprentissages dans une école traditionnellement française. Puisqu’ils ne sont pas détenteurs du capital linguistique exigé par l’École haïtienne, ils sont dès le départ en situation d’échec et abandonnent à la première occasion.
Il y a aussi le fait non négligeable de rechercher, dans le cadre de cet aménagement, une double efficacité pédagogique et pour l’apprenant et pour le système éducatif. Du côté de l’apprenant, les bienfaits cognitifs d’un apprentissage qui passe par la langue créole, langue maternelle de la presque totalité des élèves qui entrent à l’École haïtienne, sont largement démontrés par les travaux des psycholinguistes et des sociolinguistes. Enfin, dans la perspective d’une alphabétisation accélérée et à grande échelle, le choix du créole dans les premières années de l’éducation de base, devait servir de vecteur d’accroissement de l’efficacité du système scolaire. L’idée centrale, c’était la scolarisation d’une masse critique d’élèves créolophones qui seront francisés par la suite dans la perspective du bilinguisme fonctionnel visé par le volet linguistique de la Réforme.
On peut déplorer aujourd’hui, à l’heure du bilan, (se référer au Document du rapport de recherche, ministère de l’Éducation, de la jeunesse et des sports (MENJS), 1999 « Aménagement linguistique en salle de classe », et le Rapport du Groupe de travail sur l’éducation et la formation (GTEF), 2010) que l’aménagement linguistique envisagé depuis la Réforme Bernard n’ait pas été revisité. En ce sens, le jeu des acteurs politiques et pédagogiques présents sur la scène de l’école républicaine d’Haïti reste déterminant pour planifier une avancée féconde et structurante pour une refondation du curriculum des langues dans le système éducatif haïtien.
Et si on doit aujourd’hui aménager les langues dans le curriculum du système éducatif haïtien !
Quand on plante le décor sociolinguistique d’Haïti et qu’on jette un regarde sur l’aménagement des langues et la façon dont elles se spatialisent dans la société haïtienne via les pratiques langagières et l’utilisation des langues dans « l’environnement graphique », on aboutit aux conclusions que voici :
- L’espace sociolinguistique haïtien est occupé par quatre langues : le créole, le français, l’anglais et l’espagnol.
- Leur aménagement découle directement des facteurs sociaux, des rapports de forces, des centres de pouvoir très divers.
- On relève ainsi les parlers vernaculaires des différentes catégories de la population où, même en parlant la même langue, on n’utilise pas les mêmes mots, indices et indicateurs de distances sociales, de divergences repérées parmi les différents registres linguistiques auxquels correspond un pluralité d’usage des langues : langue des administrateurs, des juristes, des religieux (prêtres, pasteurs), des journalistes, des commerçants, des enseignants, des jeunes, des habitants de l’intérieur du pays, etc.
- Il y a aussi l’usage de l’anglais et de l’espagnol, langues présentes dans le contexte géolinguistique de la région et qui servent aussi bien dans la poursuite des études à l’étranger et dans les échanges commerciaux que dans les rapports avec les locuteurs haïtiens de la diaspora.
Enfin, une analyse des transcriptions graphiques et des affiches publicitaires qui jalonnent les villes et les routes d’Haïti pourraient servir de laboratoire pour observer les fonctions dévolues aux différentes langues qui se partagent l’espace sociolinguistique haïtien. Il y aurait donc un aménagement des langues dans l’espace des villes, et des villages qui, plutôt fruit du hasard que d’une « politique d’environnement graphique », témoigne des « rapports subtils » que les communautés linguistiques d’Haïti entretiennent avec les langues officielles (créole, française) et les deux autres langues (anglais et espagnol).
OPERTTI Renato (septembre 2017) fait remarquer que l’éducation doit fournir les fondements et les outils d’une action compétente dans la société (Jonnaert, Ettayebi et Defise, 2009), qui est en somme de savoir comment trouver et façonner les réponses aux défis. Le premier bloc de compétences qu’il propose, fait référence à ce que l’on appelle des littératies fondamentales qui répondent à une vision dynamique et évolutive de la société. Ceux-ci ont trait aux compétences universelles requises par les étudiants pour le développement des tâches de la vie quotidienne et qui sont la base essentielle de tout apprentissage quels que soient les contextes et les situations dans lesquels ils se trouvent, ainsi que leurs capacités. Ce bloc de compétences comprendrait l’alphabétisation dans la langue maternelle et les deuxièmes langues.
La mise en place de compétences potomitan pour l’École haïtienne
L’établissement de compétences potomitan (socles de compétences dans la terminologie française) pour l’école haïtienne fondamentale commune et obligatoire répond à une nécessité ressentie depuis plusieurs décennies en raison de l’urgence à revisiter les savoirs enseignés. La Loi d’orientation dans le cadre de la vision de l’École haïtienne, en son article 2(1), stipule:
« L’École, en tant qu’institution fondamentale, est le lieu où chaque individu est appelé à se développer, à acquérir des compétences qui lui donneront le plus d’opportunités pour devenir un individu qui travaillera pour son bien-être et contribuera au bien-être de sa société ».
Pour ces raisons, les compétences potomitan deviennent les piliers qui fondent le devenir du citoyen formé à l’école haïtienne : il s’agit d’un ensemble de savoirs, d’aptitudes, de valeurs, de langages et de pratiques dont l’acquisition repose sur le renouveau de l’École fondamentale haïtienne et qui suppose, de la part des élèves, des efforts et de la persévérance, une appropriation et une pleine adhésion des enseignants, des parents et de la société civile.
Ces compétences potomitan réfèrent aux travaux introduisant le développement de compétences à l’école, objet d’un mouvement qui traverse depuis quelques années le monde éducatif dans un grand nombre de pays. Elles se réfèrent aussi à ceux du Groupe de réflexion sur les mesures standards d’apprentissage de l’Unesco (2012) qui a émis des recommandations sur les apprentissages qui sont indispensables à travers le monde et qui propose une mesure comparée des connaissances et des compétences nécessaires tout au long de la vie.
Pour la formation à l’École fondamentale haïtienne commune et obligatoire, nous avons retenu 7 compétences potomitan qui prennent en compte les demandes exprimées par la population lors des consultations régionales conduites par le GTEF et considérées comme nécessaires à l’insertion sociale des jeunes Haïtiens et à la poursuite des études. Concernant l’aménagement des langues dans le système éducatif haïtien, le GTEF persiste et signe :
« Une attention spéciale sera accordée à la question des langues dans le système éducatif haïtien, en sorte que tous les enfants aient la chance égale de s’exprimer correctement dans les deux langues officielles du pays, en créole et en français, dès la fin de la scolarité obligatoire. Compte tenu de la position géographique d’Haïti et des opportunités offertes par les processus d’intégration régionale, il sera fait en sorte que les écoliers haïtiens disposent également à la fin de l’École fondamentale d’un niveau de compétences suffisantes pour les rendre fonctionnels en anglais et en espagnol ».
Cadre des compétences potomitan pour l’école haïtienne commune et obligatoire | ||||
Domaine de
formation |
Sous-domaines | La compétence comprend les éléments de savoirs, d’aptitudes et d’attitudes | ||
Au terme de la scolarité commune et obligatoire de neuf (9) ans, tout élève devra exercer les compétences décrites ci-dessous nécessaires à son insertion sociale et à la poursuite des études | ||||
Litératie Communication orale Communication écrite Ecriture Lecture Littératures (haitienne, française, étrangère)
|
Savoirs | Aptitudes | Attitudes | |
Outils de la langue :
Vocabulaire Grammaire Orthographe (lexicale et grammaticale) |
Développer des compétences littéraciées dans les deux langues scolaires en vue d’intégrer l’oral et l’écrit indispensable à la poursuite de la scolarisation.
Communiquer oralement d’une manière adaptée à diverses situations de communication dans les deux langues officielles du pays, en créole et en français
Lire différents types de textes dans les deux langues officielles du pays, en créole et en français
Produire, dans des situations pratiques, de courts textes répondant à diverses intentions de communication dans les deux langues officielles du pays, en créole et en français.
Utiliser de manière efficace, des outils (grammaire, dictionnaire) |
Vivre un rapport positif à la langue en vue de se construire une identité forte et engagée.
Développer la dimension identitaire par rapport à la langue maternelle.
Intégrer les référents culturels véhiculés par la langue franco-haïtienne.
Manifester de l’intérêt pour la communication, le dialogue et le débat.
Développer un intérêt pour la lecture (des livres, de la presse écrite, des extraits d’œuvre littéraire, de la littérature de jeunesse)
Développer et entretenir chez l’élève le goût d’écrire.
|
Extrait : Laguerre, Pierre-Michel (novembre 2013), Document de cadrage pour l’élaboration des compétences potomitan pour l’école haïtienne fondamentale commune et obligatoire, page 37.
Cadre des compétences potomitan pour l’école haïtienne commune et obligatoire | ||||
Domaine de
formation |
Sous-domaines | La compétence comprend les éléments de savoirs, d’aptitudes et d’attitudes | ||
Au terme de la scolarité commune et obligatoire de neuf (9) ans, tout élève devra exercer les compétences décrites ci-dessous nécessaires à son insertion sociale et à la poursuite des études | ||||
Compréhension orale Expression orale Interaction orale Communication écrite Expression écrite Thèmes d’étude : Vie quotidienne Société Loisirs Etc.
|
Savoirs | Aptitudes | Attitudes | |
Outils de la langue :
Vocabulaire et grammaire fonctionnels Types d’interactions verbales (conversation directe, téléphone, entrevue) Orthographe (lexicale et grammaticale) |
Communiquer oralement d’une manière simple mais efficace dans des situations courantes de la vie quotidienne dans les deux langues régionales que sont l’anglais et l’espagnol.
Lire et comprendre des textes sur des sujets simples dans les deux langues.
Produire de simples et courts textes dans des situations de la vie courantes dans les deux langues. .
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S’ouvrir à une autre culture et à ses éléments de socialisation.
Développer le désir de communiquer avec les gens de la région dans leur langue, écouter les médias et autres éléments de culture tels que la musique, les documentaires, les films, etc..
Manifester une sensibilité culturelle, de l’intérêt pour les langues des pays limitrophes et régionales tout en refusant les stéréotypes
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Extrait : Laguerre, Pierre-Michel (novembre 2013), Document de cadrage pour l’élaboration des compétences potomitan pour l’école haïtienne fondamentale commune et obligatoire, page 38.
Pour ne pas conclure
Les langues en présence en Haïti laissent espérer la possibilité de concilier unité nationale, identité culturelle et modernité. Le plurilinguisme, loin d’être une perte d’identité, est bien au contraire un enrichissement et une force pour la société. L’enseignement précoce des langues étrangères représente un véritable atout pour un pays tel qu’Haïti. La prise en compte des contextes linguistique et culturel lors de l’apprentissage/enseignement des langues ne peut que contribuer à l’optimisation du potentiel des apprenants et à rendre les formations plus efficaces. L’apprentissage des langues tient une place fondamentale dans la construction de la citoyenneté, dans l’enrichissement de la personnalité et dans l’ouverture au monde. Il favorise également l’employabilité des jeunes.
L’état actuel du système éducatif haïtien nous interpelle tous et exige un changement de vision qui devra être sous-tendue par des réponses satisfaisantes aux interrogations suivantes : quel système éducatif pour une Haïti à refonder ? Quelles stratégies pour y arriver ? Quel curriculum pour un Haïtien et une Haïtienne qui doivent vivre dans un monde en pleine évolution technologique ? Quelles langues d’enseignement ? Quel type d’enseignants/formateurs ?
Les différentes analyses qui ont été conduites dans le cadre de ce texte nous permettent de saisir les grandes finalités que cette réforme curriculaire doit couvrir. Tout jeune Haïtien a le devoir d’apprendre les langues officielles de l’État dont il est citoyen sous peine d’être relégué à la seconde zone de l’échiquier social, politique et économique et de communiquer dans les deux langues régionales à la fin de l’enseignement secondaire. Il va s’agir de l’adaptation du système aux besoins éducatifs réels de la société haïtienne, de l’amélioration des conditions d’apprentissage, de l’adéquation de la formation aux exigences de l’emploi et de l’épanouissement des personnes diplômées. Autant d’enjeux qui s’inscrivent dans le vaste courant mondial de réforme curriculaire.
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