Un jésuite haïtien au Québec
Par Lyonel Icart
NDLR, février 2018 – Ce texte est la version longue de l’article paru dans le collectif Ces Québécois venus d’Haïti sous la direction de Samuel Pierre (Presses internationales Polytechnique, Montréal, 2007).
Karl Lévêque est né le 10 janvier 1937 à Cap-Haïtien, dans le nord d’Haïti. Comme beaucoup de fils de la bourgeoisie haïtienne, il a fait ses études secondaires dans la capitale, à Saint-Louis de Gonzague puis il entre au grand Séminaire de Port-au-Prince. Il eût, entre autres professeurs, le père Louis-Joseph Goulet, jésuite québécois alors en mission en Haïti qui, aujourd’hui encore, se souvient de lui comme d’un élève brillant[i]. Karl Lévêque entre dans la Compagnie de Jésus et quitte Haïti en 1960 pour faire son noviciat au Québec, à Saint-Jérôme. Il avait 23 ans. Cette formation initiale est fondamentale car, outre l’apprentissage de la spiritualité de la congrégation et de la mission de la Compagnie, c’est en même temps l’initiation à l’expérience communautaire : apprendre à vivre et à partager avec les autres. Et à cette date, le nombre d’Haïtiens installés au Québec est minime. Ce noviciat exercé dans cette situation socio-ecclésiale aura donc été pour lui une formation tant à l’idéal religieux et communautaire qu’une immersion dans la vie québécoise, une acculturation. Sa grande capacité d’adaptation et sa facilité de contact avec les autres lui ont permis de se lier d’amitié rapidement avec ses collègues. « C’était un être entier. Il était avec nous (les Québécois) comme il était avec les siens. Les autres (Haïtiens) que j’ai connus, entre eux ils riaient, mais avec nous il y avait plus de contenance. Karl, lui, était toujours égal à lui-même[ii] ».
Après son noviciat et ses études de théologie, Karl Lévêque entreprend des études à l’université de Strasbourg, en France, où il obtient un doctorat en philosophie. Puis il fait une maîtrise en sciences politiques à l’université de Montréal. Sa formation achevée, il enseigne au département de philosophie du CEGEP Saint-Laurent dont il prend la direction. Et, en 1976, il prononce ses derniers vœux à la compagnie de Jésus dans une brève allocution qui contient l’essentiel de sa pensée ainsi que l’axe principal de son engagement apostolique. Trois dimensions définissent cet engagement : 1) le désir d’exercer la « mission du Christ dans le monde » 2) dans le sens d’un militantisme politique qu’il trouve dans la spiritualité de Saint Ignace, et 3) la foi dans l’esthétique de la vie religieuse qui rend la mission crédible car, même si elle comporte une dimension érémitique, « on est un être-pour-les-autres ». Ce regard de «militant» posé sur le monde et cette pratique missionnaire ne visent pas un apaisement spirituel des malheurs vécus mais s’appuie sur la recherche des «stratégies» appropriées aux résultats escomptés, une exigence «d’efficacité politique[iii]». A cette époque, Karl Lévêque était déjà très actif dans le Réseau des chrétiens politisés en même temps qu’il était impliqué dans l’organisation de la communauté haïtienne du Québec.
En 1977, il quitte l’enseignement de la philosophie pour se joindre à l’équipe de l’Entraide missionnaire (EMI), une coopérative de religieux travaillant à mettre ensemble leurs tâches missionnaires. Organisme fondé donc par et pour les missionnaires, ceux-là mêmes qui, de retour au pays, sont les premiers à rapporter une vision critique de la mission dans les pays sous-développés et dont l’objectif est de faire pression sur les gouvernements afin de changer les politiques en direction du Tiers-monde. Karl Lévêque et Denis Thibault sont, à cette époque, les principaux animateurs de l’Entraide missionnaire. Ils manoeuvrent avec habileté pour radicaliser l’organisme sans perdre leur arrière-garde. Il y avait toujours chez eux ce souci de ne pas aller plus vite que les membres[iv].
Karl Lévêque met en place les outils théoriques qui encadrent, aujourd’hui encore, les interventions de l’Entraide missionnaire au Centre justice et foi. Dans un article adossé à la pratique des rencontres avec le public à l’EMI, il décrit la méthodologie qui sous-tend les sessions de formation animées par les intervenants. Elle se nomme «analyse sociale[v]» qui n’est ni justification volontariste de l’utopie, ni recherche abstraite sans engagement dans l’action. Elle est « une recherche ordonnée à l’action… [qui vise] à la transformation de la société pour changer un rapport de forces et permettre à des gens de se libérer ». L’analyse sociale telle que pratiquée est donc partiale : elle est ancrée dans un choix de valeurs et un projet de société qui prend parti pour les pauvres, « les petits, les ‘pognés’ du système » et elle récuse la pseudo-neutralité de la science car le sujet de l’analyse, celui qui la pratique, est quelque part dans le monde et « le poids des contraintes qui pèsent sur lui, le fait d’être riche ou pauvre, du Nord ou du Sud, d’un sexe plutôt que l’autre, d’une race donnée, etc., circonscrivent ses réactions premières et expliquent les polarisations que la société posent comme des coordonnées pour ses choix ». L’objet de l’analyse est donc le conflit social, « ce terrible antagonisme entre riches et pauvres qui fait scandale à notre conscience de chrétiens». Et l’élément central de cette approche, auquel tous les autres se ramènent, est que l’analyse sociale est faite pour l’action. Elle est orientée vers le combat pour la justice, en faveur des pauvres. Aborder la société sous l’angle du conflit social requiert donc une approche multidisciplinaire. Toutes les sciences sociales seront mises à contribution, y compris la psychosociologie, très utile dans l’analyse institutionnelle, pour étudier les niveaux de conscience et circonscrire les mentalités des différents secteurs professionnels. L’analyse sociale a pour résultat de faire naître le soupçon qui conduit à un foisonnement de questions. Elle montre comment voir et faire voir. Quoi ? Qu’il y a « un problème social, que la pauvreté n’est pas un accident ». Elle permet de « discerner les mouvements sociaux qui traversent les classes populaires, exprimant leurs revendications, pas toujours exempts de reproches, et qui représentent les éléments pour une réorientation de la société ». Pour Karl Lévêque, les chrétiens sont parfois d’une naïveté coupable quand, reconnaissant le nœud du problème, l’Eglise traditionnelle crée des blocages vis-à-vis de l’analyse sociale taxant de masochistes ceux qui s’obstinent à creuser ce rapport entre riches et pauvres. Doublement coupables car les riches, les grands aussi, pratiquent l’analyse sociale, et même fort bien. Et, prenant des exemples concrets, il reconnaît la justesse et l’à-propos du slogan « Steinberg est de votre coté », mais appelle le chrétien à faire sien celui de Métro : « On connaît notre monde ».
Ce radicalisme qui plonge ses racines dans l’exigence de justice sociale posée par la théologie de la libération n’en a pas moins, d’un autre côté, conservé les aspects réformistes de la pédagogie de Paulo Freire en ce qu’il ajuste ses interventions aux niveaux de conscience de ceux à qui il veut donner un nouveau regard sur le monde. Cet idéal de justice puisé dans l’Evangile reconnaît les contradictions de l’église catholique, mais affirme néanmoins sa foi en cette parole et refuse d’associer l’église, communauté des chrétiens, à l’Institution. Et c’est dans le même mouvement que, contre Althusser[vi], s’il reconnaît que la religion peut masquer « un processus d’assujettissement des sujets au Sujet-Ordre », cette critique, selon lui « ne mord pas sur la foi chrétienne » car si « Dieu est bien le Sujet qui interpelle les sujets… ce Sujet n’est pas la Loi mais l’instance critique de tout ce qui est, l’Absolu qui remet en question le relatif au lieu de le fonder en droit… [et] qui fonde non pas l’immutabilité des institutions mais l’irréductibilité du Devenir de toutes choses ». C’est donc dans sa foi que le pasteur puise cette conscience que l’ordre des choses n’est nullement sacré. C’est dans cette expérience spirituelle qu’il trouve le dynamisme qui lui fait participer activement, en tant que « co-créateur… si peu que rien, mais tout de même », à un ordre nouveau des choses[vii].
Quand Karl Lévêque va à la rescousse de l’Eglise, c’est sa foi et le peuple des fidèles qu’il défend et fortifie contre les amalgames ou les accusations des milieux d’affaires, de certains journalistes, de certains chrétiens même. Lorsque, pendant la crise économique de 1982-1983, les évêques canadiens sont taxés de marxisme par ces groupes, accusations qui sous-entendent la perte de la foi chrétienne et, pire, la subversion, c’est lui qui monte aux créneaux pour défendre le point de vue de l’Eglise et de ses instances nationales. Il montre que, dans la déclaration des évêques[viii], leur prise de position s’appuie sur les encycliques Populorum Progressio de Paul VI et Laborem Exercens de Jean-Paul II, et que le principe de la priorité accordée au travail sur le capital relève « de principes moraux et de la critique de la situation humaine concrète des travailleurs ». Que ce principe se retrouve chez Marx, le jeune Marx, faut-il en conclure à sa fausseté ? Que ce principe se retrouve chez les évêques, faut-il en conclure qu’ils sont marxistes ? Ce qu’on ne pardonne pas aux évêques, dit-il, ce n’est pas leur option privilégiée pour les pauvres, mais leur position en faveur des luttes des pauvres, « conflit qu’il est malséant de nommer et de reconnaître[ix]». Marxiste ? Non. Idéaliste ou pragmatique, comme on cherche à dénigrer l’analyse qui vise le nœud du conflit ? Non plus, mais réaliste, en ce sens qu’à partir de l’option privilégiée pour les pauvres, l’analyse « correspond à ce que nous voyons ». Et en tant que chrétien et pasteur, Karl Lévêque considère qu’il a reçu une commande de la part des pauvres qui n’ont pas moins besoin que les riches d’asseoir l’efficacité de leurs stratégies sur une vision scientifique de la société[x].
Il sera très attentif à tous les combats de la classe ouvrière québécoise. Il prendra position, interviendra, animera des sessions de formation. A l’affût de toutes les productions des mouvements populaires, il oriente en commentant leurs réalisations. Comme par exemple cet ouvrage[xi] édité par un groupe d’intellectuels engagés en collaboration avec des assistées sociales et qui s’inspire de la pédagogie de Paulo Freire. Epinglant au passage l’idéalisation de la classe ouvrière et le triomphalisme qu’il contient, il conclut que « ce livre sera extrêmement utile en permettant de donner enfin un visage québécois aux théories de la conscientisation qui avaient jusqu’à maintenant gardé une certaine auréole exotique[xii]». Car, pour Karl Lévêque, en matière de stratégies et d’outils d’intervention pour les luttes à mener, l’importation est dangereuse, l’adaptation est permise mais, au bout du compte, c’est l’innovation qui doit primer[xiii]. Ainsi ce souci pour que la classe ouvrière québécoise se dote de ses propres instruments, adaptés à son contexte. Et il apprécie les productions de l’Association pour la défense des droits sociaux du Québec métropolitain qui font ressortir la spirale de la pauvreté dans laquelle les assistées sociales, les chômeurs et les travailleurs à petit salaire sont enfermés par la stratégie gouvernementale du Revenu minimum garantie comme politique sociale[xiv].
Très actif également sur le plan théologique, il développa des relations très étroites avec les églises de l’Amérique Latine. Il dénonce l’attitude et le rôle de l’église dominicaine qui sert de caution morale à la dictature et qui participe à la corruption[xv]. Il entretient des relations avec les théologiens de la libération des Amériques centrale et du sud, tels Leonardo Boff qu’il défend dans un article[xvi] lors de la convocation de ce dernier à Rome suite à sa critique du document publié par le cardinal Ratzinger au sujet de la théologie de la libération. Dans la même foulée, il critique les commentaires simplistes du journaliste Alain Dubuc de La Presse qui appuie les propos du Cardinal[xvii]. En 1979, Il prend part à la troisième conférence générale de l’épiscopat latino-américain tenue à Puebla, au Mexique. Il suit et soutient les luttes de ces peuples dont les similitudes avec celles du peuple haïtien lui sont si évidentes. Il dénonce, avec les églises canadiennes, l’attitude du Haut-commissariat pour les réfugiés des Nations Unies quant au sort des réfugiés honduriens menacés de génocide par les trois armées guatémaltèque, salvadorienne et hondurienne armées par les Etats-Unis et réclame que l’aide canadienne soit assortie de conditions[xviii]. Il condamne la « privatisation » qui camoufle la guerre menée par les États-Unis de Reagan contre le gouvernement sandiniste du Nicaragua[xix]. En 1982, il fait le voyage à Barcelone et s’engage dans cette rencontre entre les églises du premier monde et celles du tiers-monde pour « souder une solidarité efficace contre une théologie de la restauration très active dans l’Église[xx] ». S’il y a crise de mobilisation dans les églises du Nord, celles du Sud étonnent par leur engagement politique dans les luttes de libération des masses de leurs pays en même temps qu’elles expriment leur foi et leur allégeance à l’Eglise. Ces discussions de Barcelone ont été réinvesties au Québec dans le cadre du Centre justice et foi pour questionner l’essoufflement de l’Église d’ici devant « le succès de mobilisation des nouveaux mouvements sociaux – féminisme, lutte contre le nucléaire et l’armement, etc. ». Mais, comme à Barcelone, s’il existe un « sentiment d’urgence devant une droite agressive et qui trouve des complicités dans les milieux d’Eglise… la question a été posée, mais elle n’a pas vraiment été débattue. Pudeur ou gêne ?[xxi]». Il y avait toujours chez lui cette préoccupation de partager ses expériences, et ce travail pédagogique pour faire avancer cette prise de conscience qu’au « cœur de la proclamation évangélique, il y a quelque chose de subversif qui appelle une critique radicale des situations d’injustice[xxii] ». En ce sens, il maintenait constamment le lien entre le milieu intellectuel québécois et les gens de la base, dira plus tard Fernand Jutras[xxiii]. Il a, en effet, entretenu des liens très étroits avec les organisations populaires – le PEC[xxiv]-, les syndicats – la CSN[xxv] -, et les organismes de coopération internationale. Il sera membre du premier exécutif de l’Association québécoise des organismes de coopération Internationale (AQOCI), structure mise sur pied à la demande de l’ACDI[xxvi] pour coordonner l’aide québécoise aux pays du tiers-monde. Ces quelques exemples montrent à quel point Karl Lévêque avait les deux pieds bien plantés dans son milieu.
Mais c’est au Centre Justice et Foi (CJF), dont il fut l’un des fondateurs en 1983, qu’il animera des sessions de formation directement avec le public. Le CJF est un centre d’analyse sociale, fondé par les jésuites, qui vise à mettre la réflexion intellectuelle au service des militants et animateurs sociaux dans le but de promouvoir un débat critique sur les choix qui fondent une société juste et démocratique avec un parti pris explicite pour les exclus[xxvii]. C’est autour de lui que se met en place un service de recherche et de contact direct avec le public baptisé Les Programmes, qu’il avait lancé l’année précédente, et qui organisera les Soirées Relations. Parmi les tout premiers thèmes abordés, on retrouve, entre autres, « les questions de l’éducation de la foi à l’implication sociale, la conscientisation à la justice, la place des femmes dans la société et dans l’Église, la solidarité internationale, le phénomène des réfugiés et le problème de l’intégration des immigrants[xxviii] ». Des thèmes chers à Karl Lévêque et à Julien Harvey, son aîné de quatorze ans et autre co-fondateur du CJF. Si Harvey était plus bibliste que Lévêque, ils partageaient la même vision du rôle de l’Eglise dans la société. Dans les déclarations de celui-là, on peut observer une convergence de vues avec les idées exprimées par Lévêque. En effet, pour Harvey « La motivation spirituelle proprement jésuite est que l’incarnation se continue par nous dans l’histoire ». On reconnaît ‘la mission du Christ dans le monde’, chez Karl Lévêque. Pour eux, la dimension religieuse doit atterrir quelque part dans le concret car « l’expérience spirituelle chrétienne proprement jésuite est celle de rencontrer Dieu en Jésus dans les autres[xxix] », idée également exprimée par Lévêque dont « l’être-pour-les-autres » définit la dimension apostolique. Mais cette rencontre avec l’autre privilégie « particulièrement les pauvres, sous les diverses formes de pauvreté réelle de notre temps », ajoute Harvey. C’est l’option préférentielle pour les pauvres définie par la 32e congrégation générale de la Compagnie de Jésus, à Rome, pendant l’hiver 1974-75, à laquelle Julien Harvey avait participé, et que les deux collaborateurs avaient endossé. De Puebla, Lévêque ramènera, en 1979, cette définition du pauvre : « celui à qui l’on nie certains droits ». Cette dimension de l’apostolat doit se vivre dans l’action, car l’analyse sociale, pour Lévêque, ne doit pas être gratuite, et pour Harvey, « c’est l’expérience qui doit rassembler l’équipe d’un centre social jésuite »; car « ceux et celles qui rencontrent Dieu d’abord ou exclusivement dans la liturgie, dans la nature ou dans les arts ne pourraient probablement contribuer que marginalement[xxx] » puisqu’ils ne prennent pas pour cible et terrain d’action le conflit social[xxxi], l’intervention politique, économique, sociale, inspirée par l’Évangile[xxxii].
Les animateurs d’aujourd’hui reconnaissent « la clairvoyance de ces pionniers puisque ce sont ces mêmes axes qui ont structuré le Centre durant vingt ans[xxxiii] ». Cette complicité dans les idées entre Harvey et Lévêque aura des conséquences sur la communauté haïtienne du Québec. Jacques Couture, qui avait été accompagné dans son discernement par Julien Harvey, devient ministre de l’immigration en 1976 dans le gouvernement de René Lévesque, quelques années avant la fondation du Centre Justice et Foi. A cette date, de nombreux immigrants haïtiens, en situation irrégulière, étaient menacés d’expulsion. Le ministre Couture nomma Julien Harvey à la tête d’une commission pour étudier la situation de ces irréguliers. Et les conclusions de la commission recommandèrent la régularisation de leur statut. On peut légitimement penser que Karl Lévêque eût, de par son origine haïtienne et de son implication dans sa communauté, de nombreuses discussions avec son collègue qui « découvrait les enjeux sociaux, politiques et culturels de l’immigration pour le Québec[xxxiv]». En 1985, le service des Programmes du Centre Justice et Foi ajoutera une section axée sur les communautés culturelles, qui deviendra le secteur Vivre ensemble.
La question de l’intégration des immigrants n’a pas échappé non plus à Karl Lévêque. Dans une entrevue[xxxv], conduite conjointement par lui, Julien Harvey et Albert Beaudry, avec l’équipe de rédaction du magazine transculturel Vice Versa, on peut déceler les modalités de l’intégration qu’il souhaite pour les immigrants dans un Montréal appelé à définir la culture de demain pour tout le Québec. Pour Lévêque, l’avenir du Québec multiculturel ne peut pas être celui où les élites intellectuelles communiqueraient en français tandis que les groupes ethniques subsisteraient et se développeraient en ghettos culturels juxtaposés. On ne peut pas « distinguer la question de la langue et celle de la culture[xxxvi] » parce qu’on ne peut pas « proposer à un peuple la vision d’in intellectuel qui veut vivre dans la ‘cosmopole’ universelle[xxxvii] » car « la culture est toujours celle d’un peuple, d’un territoire, d’un terroir ». Cependant, l’immigrant fait face à un double piège : entre le multiculturalisme fédéral qui est un faux-semblant d’égalité car, dans ce cas, c’est la majorité anglophone qui s’impose; et le Québec qui lutte pour son identité et espère attirer les allophones à bâtir avec lui une société distincte, mais comme partenaires mineurs, « l’immigrant a le choix de participer à la lutte avec les Québécois mais en restant lui-même minoritaire, ou ramper dans le mensonge du multiculturalisme[xxxviii] ». Or, le taux de natalité de 1,4 % que connaît le Québec est le plus bas du Canada et l’immigration fait nécessairement de Montréal une ville cosmopolite. Et c’est dans cette métropole de Montréal que la culture de demain se définira. L’avenir ne parait donc pas tracé d’avance. Dans les pays industrialisés avancés, la culture est d’abord et avant tout urbaine et sans cette locomotive que représentent les grands centres, une culture se trouve probablement aussi menacée que les cultures du passé qui n’ont pu s’appuyer sur l’écriture ou l’école[xxxix]. La présence des immigrants rend donc l’avenir ouvert et si, aujourd’hui, « nous savons ce qu’est un Canadien français, nous ne savons pas encore exactement ce qu’est un Québécois[xl] ».
Infatigable animateur social, Karl Lévêque a toujours su créer des ponts entre la société québécoise et la communauté haïtienne. Il aura profondément marqué cette dernière, contribuant à la structurer selon deux axes privilégiés : l’ancrage dans la société québécoise et la lutte à la dictature des Duvalier, cause de l’exil de son peuple. Dès les années 1970, il s’impliquait dans la communauté haïtienne de Montréal, célébrant messes, baptêmes, mariages et participant à des rencontres dominicales informelles autour des problèmes rencontrés par les nouveaux arrivants. C’est au cours de l’une de ces rencontres qu’il fonde, en 1972, avec Paul Dejean et Joseph Augustin, le Bureau de la Communauté Chrétienne des Haïtiens de Montréal. Au sein de cet organisme, il contribua à mettre sur pied, en 1972, un groupe culturel dédié d’abord à la danse folklorique haïtienne, et en 1977, une émission de télévision sur le câble ainsi qu’une émission de radio dans la station qu’abrite le PEC (CIBL). Et la même année, il fonde une école de Karaté pour les jeunes.
Karl Lévêque est venu tardivement au sport. C’est au cours de l’année 1970 (ou 1971) qu’il commença à s’adonner au jogging, en même temps qu’il faisait ses premiers pas, incertains et humbles, dans l’art du karaté. Il est entré dans le sport comme il est entré en religion, avec la foi d’un croyant, à la recherche de quelque chose sur lui-même, sur le monde, sur l’autre. La théologie et le sport sont chez lui les deux faces d’une même recherche spirituelle, celle-ci intégrant une dimension nouvelle : le corps. « Je me suis plié… à une véritable ascèse qui m’a permis d’accéder… à une nouvelle spiritualité. Je dis ‘nouvelle’ pour moi, car d’autres civilisations avaient déjà tenté d’intégrer ainsi le corps dans la recherche d’un véritable équilibre spirituel[xli] ». Quinze années durant, avec l’assiduité d’un olympien, à cinq heures le matin, il s’entraînera au jogging dans ce parc, poumon de la ville : «Tôt levé, sur la ‘montagne’, tous les matins, hiver-été, j’allais courir. Pour ascétique que cela puisse paraître, c’était là pour moi un moment intense de jouissance. Du corps. De l’esprit. Dans le recueillement de ce temple à ciel ouvert surplombant une ville encore endormie, tous les jours, j’ai accompli ce rite matutinal de réconciliation. Avec mon corps. Avec la nature[xlii]». Tantôt seul, tantôt avec un ami, ou avec ses élèves du karaté qu’il entraînait avec lui, la pratique du jogging se transformait en préparation au marathon : deux fois celui de Montréal, et une fois celui de l’île d’Orléans. Le dépassement de soi. Mais c’était aussi un poste d’observation de l’évolution des mentalités, des transformations sociales qui s’opéraient dans cette ville qui grandissait : «Quand j’ai commencé à courir… les chemins sur la montagne étaient quasi déserts. A ces mystérieux rendez-vous de l’aube, nous étions à peine quatre ou cinq… Surprise, tous ou presque, nous étions en quelque sorte des étrangers. En tout cas, en majorité des non francophones ». Sous l’impulsion des jeux olympiques de 1976 et de la publicité du ministère de la santé qui a suivi pour la promotion de la pratique du sport, « quelques années plus tard, ces mêmes chemins, aux mêmes heures indues, étaient battues par des troupes entières de coureurs… La montagne avait été envahie… Le Québec s’était mis à la particip-action[xliii] ».
Quinze années durant, avec la ténacité d’un samouraï, trois fois par semaine, il s’astreindra à la discipline du karaté-do. Il se pliera au parcours du karatéka jusqu’à la ceinture noire, troisième dan. Le passage des ceintures correspond pour lui « à un cheminement qui va de la maîtrise extérieure (coordination des mouvements) à la maîtrise intérieure (acquisition d’une mentalité)[xliv] ». Il était un adepte du style Yoseikan et fit ses débuts sous la direction de Giancarlo Lucchesi-Borelli, celui-là même qui avait introduit ce style au Québec et qui sera le premier président de la fédération. Aux cotés de ce dernier, de Paul Ohl, de Marc Asselin et de la vingtaine de ceintures noires de l’époque, Karl Lévêque sera également membre fondateur, en 1975, de la Fédération Yoseikan Karate-Do qui deviendra « la formule la plus évoluée d’organisation d’arts martiaux au Québec[xlv] ». Soucieux de l’enseignement du karaté, il s’emploiera à esquisser la dynamique sous-jacente à l’itinéraire d’un karatéka dans le cheminement qui doit le conduire à la maîtrise de soi, de la ceinture blanche à la ceinture noire. Il collaborera à la conception du programme d’enseignement de la fédération et à la publication d’un manuel destiné à la préparation de l’examen de chacune des ceintures[xlvi]. Dès l’obtention de sa ceinture noire, il se consacra à l’enseignement, à l’arbitrage des compétitions et au développement de la fédération. Il a accueilli les plus grands maîtres dans son dojo de Montréal, dont Yoshinao Nambu, 10e dan, président-fondateur de Sankukai International, fédération à laquelle Yoseikan allait s’affilier en vue d’une reconnaissance internationale.
Karl Lévêque n’était pas un fighter en quête de victoire dans les compétitions. Très tôt, bien avant l’obtention de sa ceinture noire, il a cessé d’y participer. Non qu’il ne s’intéressât à l’aspect proprement martial du karaté, bien au contraire; le combat, pour lui, fût l’occasion d’une rencontre, l’événement qui lui offrait l’opportunité de scruter plus finement la psychologie de l’autre : « il ne m’a jamais été donné de tant lire chez les autres, de les trouver aussi transparents, que dans la gestuelle du combat[xlvii]». Méticuleux, et toujours dans un but pédagogique, il s’emploiera à fixer les katas afin de dispenser un enseignement conforme à celle définie par la fédération. Il tentera même de codifier certaines techniques de combat. Il a sillonné la province avec ses élèves : de Québec à Magog, à Chicoutimi en passant par Sorel, jusqu’à la Malbaie, il leur a fait participer aux compétitions les plus importantes de la fédération Yoseikan, En huit ans, il aura formé une quinzaine de ceintures noires. L’un d’eux, Ducarmel Cyrius, est, par la suite, devenu champion du monde de kick boxing. Pédagogue magistral, ses cours commençaient et finissaient toujours par une séance de méditation, de réflexion sur la nécessaire coordination entre le corps et l’esprit, sur le dépassement de soi, sur la constance et la persévérance dans le travail. Le karaté n’était pas qu’un art martial, une technique de combat. C’était aussi, et d’abord, une philosophie « d’apprivoisement des pulsions… [la pratique de] cet art libérateur du Zen : silence des mots qui permet de retrouver ou de créer l’esprit, à fleur de muscle, au bout d’un pied, d’une main, d’une forme, d’un effort[xlviii] ».
Le combat auquel il se livrait prenait une autre forme, et son terrain était ailleurs. Dans les émissions de télévision et de radio qu’il avait contribuées à mettre sur pied dans le cadre du Bureau de la CCHM, il anima hebdomadairement, jusqu’en 1986, une émission d’information faisant de la lutte contre la dictature en Haïti le pivot de ses éditoriaux. Et il a consacré beaucoup d’énergie à ce combat. « C’est pour mon peuple que je suis prêtre et jésuite[xlix] », disait Karl Lévêque. De Montréal aux Bahamas en passant par New York et Miami, il avait développé un réseau de solidarité avec les opposants au régime dictatorial en Haïti et était de toutes les luttes de la grande diaspora, souvent même par sa présence en ces divers lieux. Dans ses éditoriaux, il informait, accusait, expliquait, faisant un travail pédagogique inlassable pour faire comprendre le nœud du conflit et convaincre de la nécessité, et même de l’urgence, du renversement de ce régime. Ses éditoriaux enflammés de la fin ‘85 et du début de ‘86 indiquent à quel point il était engagé et passionné par cette lutte. Il appuyait le travail que faisaient en Haïti les communautés ecclésiales de base tant haïtiennes que québécoises, belges, ou autres[l]. Il suivait l’évolution de l’église haïtienne dans ses luttes et entretenait des liens avec ceux de l’intérieur. Quand, dès la fin de ’85, il était clair que le régime des Duvalier n’en avait pas pour longtemps, il avait projeté de rentrer dans son pays natal afin de se mettre directement au service de son peuple. Le 7 février 1986, Baby-doc et ses sbires s’envolaient en exil; le 15 février, le prêtre-militant était le premier des exilés haïtiens du Québec à fouler le sol natal. Avant de partir, dans un court billet intitulé une leçon de démocratie[li], on devine son respect pour la lutte du peuple qui a mené à la chute de la dictature et sa fierté devant « la retenue des représailles, la justice symbolique, à l’endroit des anciens tortionnaires », les jours qui ont suivi la sortie de Duvalier. Et à ceux qui prétendent que le peuple haïtien n’est pas mûr pour la démocratie, il rétorque : « Oserait-on comparer ces trois jours de règlements de compte avec ce qui s’est passé à la libération en France, après seulement quatre ans de fascisme et de ‘collaboration’! » Et de conclure : «Déjà on parle d’un ‘modèle haïtien de soulèvement’».
Son séjour fut bref au pays natal. Ses impressions d’un retour d’exil[lii], écrites le 14 mars, brossent en un condensé les « trois semaines pour retrouver ses racines après 26 ans d’absence ». Mais «une fois passés les deux premiers jours de dépaysement… très vite on change de camp, on cesse d’être l’étranger, c’est comme si l’on n’était jamais parti ». Le premier moment d’émotion passé, l’instinct du militant prend le dessus et, analysant la situation politique après la chute des Duvalier, il n’écarte pas «la menace d’une intervention militaire directe, soit des Etats-Unis, soit d’une force interaméricaine (ou intercaraïbéenne) suscitée par les Américains et dont personne ne veut en Haïti… sauf bien entendu un certain secteur de la bourgeoisie». De retour à Montréal, il prépare ses bagages, s’assure de la collaboration de ses amis de l’Entraide missionnaire[liii] et s’occupe de sa santé avant de plonger « au cœur de la plus grande pauvreté[liv] ». Karl Lévêque ne pouvait plus faire du sport. Son genou avait flanché et le temps ne lui permettait plus de faire du karaté. Mais, plus jamais, disait-il, « je ne laisserai mon corps de côté[lv] ». Une tumeur bénigne à la base du cerveau, derrière l’oreille, l’inquiétait. Il rentre à l’hôpital pour cette opération mineure. Sous anesthésie, il s’endort… de son dernier sommeil.
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« Le salon funéraire était noir d’Haïtiens. Je n’avais jamais soupçonné une telle implication de Karl dans sa communauté » dira son compagnon Gilles Morissette[lvi]. Et lors des funérailles, Franklin Midy exprimera la consternation qu’a provoqué cet accident et le choc de la disparition prématurée de Karl Lévêque dans la communauté haïtienne : « Comme Moïse sur les rives du Jourdain, Karl n’entrera pas dans la Terre Promise[lvii] ». Il l’a pourtant entrevue, cette Terre Promise. Mais c’est pour son peuple qu’il était prêtre et jésuite. Il avait « choisi de prendre part à l’aventure humaine et de se lier irrévocablement à son destin[lviii] ». Et son destin aura été d’être pasteur au Québec. Jean-Claude Leclerc, journaliste à Le Devoir et à la Gazette de Montréal, qui a fréquenté Karl Lévêque pendant de nombreuses années, dira de lui qu’il «était l’image parfaite du montréalais de l’avenir. Il était tout à fait à l’aise aussi bien avec ses origines que dans son nouveau pays. Pour lui, la différence n’était pas un problème, mais plutôt une source de richesse[lix]».
NOTES
[i] Conversation avec Louis-Joseph Goulet 19-04-2004
[ii] Conversation avec Gilles Morissette S.J., 30-06-2004
[iii] Karl Lévêque, Le témoignage de Karl Lévêque, jésuite haïtien en exil , Jésuites canadiens, Vol. III, n, 2, p. 27-28.
[iv] Conversation avec Dominique Boisvert, 08-06-2004
[v] Karl Lévêque, L’analyse sociale: pour voir au changement, Relations, septembre 1982, p. 217 à 220.
[vi] Louis Althusser, Idéologie et appareils idéologiques d’Etat, La pensée, No. 151, 1970.
[vii] Karl Lévêque, De la théologie politique à la théologie de la révolution, Frères du Monde, No. 64, 2, 1970, p. 26 à 40.
[viii] Jalons d’Ethique, Eglise canadienne, 6 janvier 1983.
[ix] Karl Lévêque, Les évêques sont-ils marxistes? Relations, avril 1983, p. 81 a 87.
[x] Karl Lévêque, L’analyse sociale: pour voir au changement, op.cit., p. 219 et 220
[xi] Gisèle Ampleman et als, Pratiques de conscientisation : Expériences d’éducation populaire au Québec, Editions Nouvelle Optique, collection Matériaux, Montréal, 1983.
[xii] Karl Lévêque, Un livre- événement, Relations, juillet-août 1983, p. 179-180.
[xiii] Karl Lévêque, L’analyse sociale, op. cit., p. 217
[xiv] Karl Lévêque, Un livre intolérable, Relations, mars 1984, p. 53
[xv] Karl Lévêque, L’Eglise durant la crise dominicaine, Nouvelle optique, vol..1, No. 1, 1971, p.44 à 79.
[xvi] Karl Lévêque, Par-delà les soupçons, à quand le vrai dialogue? Relations, octobre 1984, p. 245-346.
[xvii] Idem
[xviii] Karl Lévêque, Pour la protection des réfugiés au Honduras, Relations, novembre 1982, p. 283-284.
[xix] Karl Lévêque, Les églises disent non à l’intervention, Relations, mai 1985, p. 118-119.
[xx] Karl Lévêque, Chrétiens dans les luttes de libération, Relations, avril, 1984, p. 91 à 93.
[xxi] Idem.
[xxii] Idem
[xxiii] Relations, 1er octobre 2003, http://www.cjf.qc.ca/cjf/histoire/index.htm
[xxiv] Pavillon d’éducation communautaire
[xxv] Confédération des syndicats nationaux
[xxvi] Agence canadienne de développement international
[xxvii] Relations, 1er octobre 2003, http://www.cjf.qc.ca/cjf/index.shtml
[xxviii] Fernand Jutras, Les mémoires du Centre justice et foi, Relations, septembre 2003, no. 687
[xxix] Julien Harvey, cité par Fernand Jutras, À l’image de Julien, Relations, octobre 1998, no. 644
[xxx] Idem
[xxxi] Karl Lévêque, L’analyse sociale, op.cit.
[xxxii] Julien Harvey, cité par Fernand Jutras, op. cit.
[xxxiii] Idem.
[xxxiv] Idem
[xxxv] Une interview transculturelle : Miroir, miroir, avons-nous une culture ? Relations, juillet-août 1985, p.191 à 194.
[xxxvi] Bruno Ramirez, Idem, p. 193.
[xxxvii] Karl Lévêque, Idem. P. 194
[xxxviii] Idem, p. 192
[xxxix] Idem, introduction des auteurs, p. 191
[xl] Karl Lévêque, Le cœur haïtien, film cité. http://www.whitepinepictures.com/seeds/ii/26-f/history4-f.htm
[xli] Karl Lévêque, La culture… physique, Relations, juillet-août, 1985, p. 199.
[xlii] Idem
[xliii] Idem
[xliv] Karl Lévêque, L’esprit des ceintures, Programme, vol. 1, la ceinture jaune, Fédération Yoseikan karaté-do, Montréal, 1979.
[xlv] Le Yoseikan Karate-Do, Programme, La Federation Yoseikan Karaté-Do, Montréal, 1979, p. 5.
[xlvi] La federation Yoseikan Karate-Do, Programme, 5 volumes, Montreal, 1979.
[xlvii] La culture… physique, op. cit.
[xlviii] Idem
[xlix] Karl Leveque, Derniers vœux, Jésuites canadiens, Vol. III, n, 2, p. 27-28
[l] Voir entre autres, Karl Lévêque, Chez le roi Ubu, Relations, septembre 1985, p. 211-212. Voir aussi, en réponse à Georges Anglade, un article anonyme d’un dossier sur Haïti coordonné par Karl Lévêque, Des Québécois en Haïti, Relations, vol. 40, no. 461, juillet-août 1980, p. 206-207
[li] Kalr Lévêque, Une leçon de démocratie, Relations, mars 1986, p. 37. Texte écrit le 14 février 1986
[lii] Karl Lévêque, Impressions d’un retour d’exil, Relations, avril 1986, p. 77-78. Texte écrit le 14 mars 1986, p. 77-78
[liii] Voir l’article de Dominique Boisvert, Karl Lévêque… Presente, Relations, no. 522, juillet-août 1986
[liv] Karl Lévêque, Impressions…, op. cit
[lv] Karl Lévêque, La culture… physique, op. cit.
[lvi] conversation avec l’auteur, 30-06-2004
[lvii] Franklin Midy, Oraison funèbre de Karl Lévêque, Montréal, mars 1986
[lviii] Décrets de la 32e congrégation générale de la compagnie de Jésus, Paris, 1976, p. 65-66.
[lix] Jean-Claude Leclerc, dans Le Coeur haïtien, film de Carlos Ferrand, ONF, 1998.